Pouvoir remplacer en pharmacie les médicaments biologiques, comme l'insuline ou des vaccins, par d'autres, sur le modèle des génériques : cette mesure de substitution est proposée pour réduire la facture de la Sécurité sociale mais les associations de patients s'en inquiètent. Un amendement du projet du budget de la Sécurité sociale 2024 prévoit que les pharmaciens d'officine puissent substituer tous les biomédicaments par des biosimilaires, deux ans après leur commercialisation, sauf avis contraire de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Les biosimilaires sont des copies de médicaments biologiques, traitements issus non pas de synthèse chimique mais d'organismes vivants, comme l'insuline, des vaccins, les anticorps monoclonaux et les hormones de croissance, et dont le brevet est tombé dans le domaine public.
Ils sont communément présentés comme le versant biologique du médicament générique et se distinguent eux aussi par un prix inférieur au médicament de référence. Mais, contrairement au générique, le biosimilaire n'est pas complètement identique à son produit de référence, du fait de son caractère biologique qui complexifie les processus de production. Actuellement, pour être substituable, un biomédicament doit être inscrit sur une liste définie par arrêté et après avis de l'ANSM.
Maladies chroniques
Dans les hôpitaux, les programmes de substitution sont bien développés mais il n'existe pour le moment que deux molécules biologiques substituables en officine (pegfilgrastim et filgrastim). Le gouvernement veut aller plus loin : « Au regard du potentiel d’économies importantes pour l’assurance maladie que représentent les médicaments biosimilaires (...), il convient d’envisager de nouvelles mesures permettant d’accélérer le recours » à ces produits, selon l'amendement qui sera débattu cette semaine au Sénat. Le montant des économies espérées n'a pas été communiqué.
Ce texte s'appuie sur l'avis d'avril 2023 de l'Agence européenne du médicament en faveur d’une interchangeabilité automatique dès l'obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un biosimilaire. Il pourrait promouvoir les biosimilaires sur le territoire, dans les pas d'un rapport de l'Assurance-maladie qui préconisait, en juillet, d'« atteindre l’objectif de 80 % de taux de pénétration » de ces médicaments.
Un collectif d'associations de patients utilisant des biosimilaires s'est toutefois dit mardi « défavorable » à une substitution des biomédicaments « en officine dans le cas de maladies chroniques ». Elles demandent à être « intégrées, ainsi que les sociétés savantes, aux côtés de l’ANSM pour toute consultation préalable et systématique à la décision de substitution ». L’ANSM devra se prononcer d'ici à fin 2024 sur les modalités de substitution.
40 % moins chers
« Les industriels ont besoin de visibilité sur ces molécules substituables », plaide de son côté l'organisation Gemme, qui représente les industriels des génériques et biosimilaires, dont « les prix sont inscrits 40 % moins chers que les bioréférents ».
Bien que « sensibles à l’argument économique et la maîtrise des dépenses de santé », des représentants de patients font valoir que les biosimilaires, principalement destinés à des patients atteints de maladies chroniques souvent évolutives et invalidantes (maladie de Crohn, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde), sont tous des produits injectables (seringues pré-remplies ou stylos injecteurs).
Ils soulignent que, selon les fabricants, le dispositif d'injection nécessite parfois un ou plusieurs clics, tourner ou presser un bouton. La taille de l'aiguille peut également varier tout comme le voyant apparaissant après l'injection. Au vu de « la relation complexe des patients avec ces médicaments », il est, selon eux, possible que l'utilisateur craigne que le produit ne soit pas aussi efficace et qu'il y ait « un risque de mésusage ».
Fiabilité
Même si, sur ce point, Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), se veut rassurant : « On ne va pas proposer le même stylo à un diabétique qui a du mal à voir les unités sur le stylo qu'à quelqu'un dont la vue est parfaitement bonne ! »
« Les associations se trompent, il y a une parfaite fiabilité de ces médicaments », a déclaré mercredi Fréderic Bizard, professeur d'économie à l'ESCP Europe au cours d'une table ronde sur les biosimilaires. « Si on ne développe pas le marché des biosimilaires et des génériques suffisamment », le financement du système de santé en France ne sera « pas soutenable ».
(avec AFP)
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