Sous le ciel de l’équipement en matériel lourd, rien de nouveau ? La tentation serait grande de répondre par l’affirmative en France tant le rythme d’installations de nouveaux composants relevant de ce domaine reste lent. Au fil des congrès de la Société française de radiologie (SFR), les spécialistes et les observateurs dénoncent, à l’unisson, cette pâle figure de l’Hexagone. Selon l’OCDE, « la France dispose d’un taux d’équipement insuffisant en scanner, (soit) 17 par million d’habitants en 2014, alors que la moyenne de l’OCDE en 2013 est de 23,6 scanners par million d’habitants, en clair, un écart de -28 %. Une faiblesse d’équipement qui se retrouve dans les régions. Ainsi, avec 21 scanners installés pour une population de 1,360 million d’habitants, l’Auvergne dispose de 15,4 scanners par million d’habitants, soit -9,4 % que la moyenne nationale et -34,7 % par rapport à la moyenne de l’OCDE ». Cette faiblesse est également observée sur le terrain des IRM sur lequel le pays dénombre 10,2 IRM par million d’habitants, là où la moyenne de l’OCDE en 2013 est de 13,3 IRM par million d’habitants, soit un écart de 23,3 %. Avec 12 IRM installées, la région Auvergne dispose d’un taux d’équipement faible de 8,8 IRM par million d’habitants, ce qui représente -13,7 % par rapport à la moyenne nationale et -33,8 % rapportée à la moyenne de l’OCDE.
Au-delà des limites du Sros
Souvent mis en cause, le schéma régional de l’organisation sanitaire (Sros) n’est pas le seul responsable de cette piètre performance. Les raisons économiques constituent également un frein à cette politique d’équipement. Ainsi, les autorisations en la matière ne donnent pas toujours lieu à une décision, sachant qu’il est important de disposer de fonds suffisants. Comment faire à un moment où l’État se désengage de plus en plus de l’assurance maladie et que la rationalisation est devenue le maître mot des établissements hospitaliers ? À la place d’un financement immédiat sous-tendant un amortissement des investissements au fil des ans, d’autres moyens alternatifs sont proposés, qui collent au mieux à la situation économique actuelle des établissements de santé. Ainsi, en complément de l’amortissement, « le paiement sur la base d’une unité d’œuvre offre la possibilité aux acteurs hospitaliers de payer uniquement ce qu’ils consomment. À l’ère de la tarification à l’activité (T2A), ce modèle semble obtenir une forte adhésion, notamment dans l’univers de la radiologie », explique Bruno Carrière, directeur général de UniHA. Derrière cette pratique, la volonté des établissements de ne plus s’engager sur le long terme alors même qu’ils ne savent pas avec certitude comment vont évoluer leurs activités. En radiologie, par exemple, la facturation sur la base des unités d’œuvre consommées s’est propagée telle une traînée de poudre. En fait, ce modèle de consommation à la demande s’est renforcé dans le sillage de la généralisation de l’Internet et des possibilités de facturation à l’usage qu’elle introduit. Partie du domaine informatique, cette mode de consommation s’est élargie à tous les segments, à la faveur du Cloud computing (informatique dans le nuage), devenu au fil des ans une des réponses face à la prise de risque que constitue un investissement immédiat sur un matériel coûteux et difficile à rentabiliser à court terme. Les biologistes se sont engouffrés dans cette opportunité du Pay per Use.
Du Pay per Use au crédit-bail
D’autres modes de financement se renforcent en France. Parmi ceux-ci, figurent la location ou crédit-bail. Progressivement, la location d'équipements médicaux a dépassé celle de l’achat, selon une étude du constructeur Siemens. Objectif, limiter au maximum la part des capitaux gelés des hôpitaux, soit, en moyenne, plus de 2,3 milliards d’euros en France. Incapables de consentir de grands efforts financiers ou tout simplement conscients de la nécessité d’optimiser leurs investissements, les établissements préfèrent donc de plus en plus le leasing.
Ainsi, en décidant d’acquérir un IRM à la pointe de la technologie, le centre hospitalier de Montauban équipé de 891 places a également opté pour ce mode de financement particulier, à l’image de certains acquéreurs de véhicules. Loin de s’endetter, l’établissement a décidé de recourir à la location. C’est également le cas de l’hôpital Auban-Moët d’Épernay de 244 places avec pour objectif de proposer un service de haut niveau à sa patientèle.
L’une comme l’autre de ces deux structures a eu recours à la location. Sur la base d’un contrat pluriannuel. La seconde s’est engagée sur sept ans moyennant un loyer de 17 000 euros par mois ; quant à son alter ego de Montauban, elle a retenu une période de cinq ans.
Selon une étude de Siemens Financial Service (SFS), fournisseur d’un tel modèle de financement, le nombre d’établissements ayant recours à cette pratique ne cesse de se développer. Ainsi, à l’échelle européenne, ce marché devait se développer avec un taux de croissance de 5,68 % sur la période 2010-2015, là où l’achat ne devait progresser que de 3,4 % sur la période 2011-2016. Les prévisions sont, grosso modo, conformes aux réalisations et les dépassent même. Elles montrent que les établissements l’ont compris : ils peuvent utiliser leurs capitaux autrement et notamment pour la formation de leurs agents et étaler les déficits sur le long terme. Le recours est d’autant plus intéressant que les banques se montrent de plus en plus exigeantes en matière d’attribution de crédit.
Face à cette nouvelle donne, les constructeurs se sont organisés. Certains ont signé des protocoles d’accords avec les établissements bancaires. C’est le cas entre Philips et Franfinance. Ils ont uni leurs forces pour créer Philips Medical Capital, une joint-venture dédiée. D'autres proposent des solutions locatives intégrées à l’image de GE Healthcare et Siemens à travers Siemens Financial Services. Les uns et les autres voient leurs encours se développer au fil des ans, venant illustrer, si besoin était, la bonne santé d’un secteur naissant mais porteur.
À l’actif de la location une palette d’avantages pour les acteurs du secteur hospitalier. Au centre hospitalier Layné de Mont-de-Marsan (319 places), la location de deux IRM a permis de faire l’économie d’un emprunt et de ne point poser des questions sur la revente du matériel en fin de contrat. Car le fournisseur se charge de la reprise de la technologie obsolète. À la fin du contrat, c’est en effet le constructeur qui se charge de démonter le matériel, parfois revendu à l’étranger, le marché de l’occasion étant limité en France sur ces produits. En radiologie, le centre hospitalier Sud-Gironde de Langon a mis en place un nouvel IRM qu’il loue moyennant une redevance mensuelle. Originalité de ce montage, un partenariat public-privé, impliquant trois cabinets de radiologie, l’objectif étant d'amortir le coût de la location.
À quand le crowdfunding ou financement participatif ?
En fait, à la location vient s’ajouter le partenariat entre les acteurs, qu’ils soient privés comme le montre le cas girondin ou public, de plus en plus sous la houlette d’UniHA, par exemple. Le groupement de coopération sanitaire (GCS) a ainsi choisi Philips et Toshiba, au terme d’un appel d’offres ouvert, pour une durée de 36 mois maximum, portant sur l'acquisition d’IRM et de scanners. Dans le cadre de ce contrat, les deux acteurs proposeront au Chu concerné différentes modalités de financement (achat, location longue durée ou crédit-bail). Ce marché pourrait atteindre un chiffre d'affaires de 50 millions d’euros. Une telle union entre hôpitaux permet de générer des effets de masse critique. Avec pour corollaire des tarifs compétitifs négociés par le GCS.
Confrontés à la forte crise qui pousse à la maîtrise de charges, l’hôpital a choisi de suivre le chemin des entreprises privées, fortes utilisatrices du crédit, levier de développement que les banques leur refusent parfois. Vont-ils suivre le chemin des autres acteurs économiques en prenant le désormais boulevard du crowdfunding. Tel le partenariat/public privé, il a eu du mal à éclore mais montre désormais sa valeur ajoutée. À quand la première plate-forme de financement participatif (crowdfunding) pour hôpitaux ? Après tout, elle porterait sur un sujet qui concerne tout le monde : la santé.
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