Dispositifs médicaux

Eric Le Roy (Snitem) : "Comment éviter le grand risque de casse industrielle"

Publié le 12/11/2020
Alors que le secteur du dispositif médical sera en décroissance en 2020, le PLFSS 2021 programme une baisse de prix de 150 millions d'euros. Le Snitem est vent debout contre cette mesure. Verbatim.
Snitem

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Quelle est la situation du marché du dispositif médical en France ?

Le secteur sera en décroissance en 2020, et très certainement en 2021. Le reconfinement devrait aggraver cette situation avec la cascade de déprogrammations en chirurgie. À ce stade, notre hypothèse de travail est une baisse du chiffre d’affaires comprise entre 10 % à 20 %. Rares sont les entreprises qui échappent à ce marasme.

Vous êtes vent debout contre la baisse des prix de 150 millions programmée dans le PLFSS et la clause de sauvegarde. Êtes-vous entendus ?

À ce jour, la réponse est clairement non. Le signal est désastreux. Nous sommes face à un double discours. D’un côté, le président de la République et l’ensemble des pouvoirs publics insistent sur l’importance stratégique du secteur et l’urgence à déployer le plan de relance. De l’autre, la spirale des baisses de prix continue. Mais nous ne désespérons pas pour autant. Les discussions se poursuivent. Si cet objectif est maintenu, il sera à l’origine d’une grande casse industrielle dans notre secteur. Avec l’arrivée probable d’autres vagues de la Covid-19 comme l’annonce un avis du conseil scientifique, le report de ces baisses autoritaires de prix est donc une absolue nécessité. S’il est validé, il ne devra pas être interprété comme un recul des pouvoirs publics mais bien la mise en œuvre du principe de réalité.

Quels sont les secteurs les plus visés ?

Le PLFSS n’a pas encore été approuvé par le parlement. Le CEPS ne nous a donc pas réunis pour nous livrer toutes les informations. Pour autant, le secteur des pansements avec des leaders français pourrait contribuer à hauteur de 40 millions, soit quasiment un tiers de l’effort demandé. Quel autre pays au monde frapperait sa propre industrie avec une telle violence ? On est au-delà de se tirer une balle dans le pied ! Il n’y a pas de raisonnement médical ou industriel qui aurait présidé à cette prise de décision. Un projet de baisse de prix concerne également les implants de rachis. Les pathologies visées sont lourdes. Et leurs prises en charge exigent un haut niveau de technicité. On observe certes une activité dynamique dans cette surspécialité. Mais elle repose sur des critères médicaux exclusifs. Faut-il pour autant imposer un nombre maximal annuel de poses d’implants ? Le rapport récent de la Cour des comptes expose les quatre motifs qui expliquent la croissance du secteur. Citons le vieillissement de la population, l’augmentation de prévalence de certaines maladies chroniques, le développement de l’ambulatoire et l’innovation médicale dont on se réjouit. Dans le même temps, on n’observe pas de mésusage. Une pathologie, l’apnée du sommeil traduit cette tendance. Le nombre de patients traités s’élève à 1,2 million. Or la population cible approcherait plutôt du double. Certes, personne ne nie l’intérêt d’une régulation. Mais elle doit reposer sur les besoins médicaux et non sur des règles comptables basiques. Si l’on souhaite mettre en place dans un avenir proche une pénurie, on ne s’y prendrait pas autrement. Le jour où la clause de sauvegarde s’appliquera, elle se révélera encore plus confiscatoire que celle appliquée au médicament. Les entreprises devront en effet reverser 100 % du montant des ventes réalisées au-delà du nombre de dispositifs autorisés. Pour le médicament, le pourcentage ne dépassait pas 70 %.

Quelles seront les conséquences industrielles de ces différentes mesures ?

Les entreprises étrangères s’interrogent sur leurs investissements mais aussi sur leurs lancements futurs dans l’Hexagone. Les baisses de prix permanentes les dissuadent de mettre sur le marché des innovations.

Le secteur du médicament cette année est moins durement frappé par les baisses de prix avec une réduction de 300 millions d’euros comparés au montant exigé en 2020. Les industriels du dispositif médical en paient-ils le prix ?

Je ne peux l’imaginer ! Remarquons toutefois que le secteur pharmaceutique en 2020 ne sera pas en décroissance, pas davantage en 2021. On leur offre pourtant 300 millions d’allégements sur la facture. Tant mieux pour ces industriels. Il y a peut-être deux poids, deux mesures.


Source : lequotidiendumedecin.fr