Tous les clignotants du secteur du dispositif médical seraient au vert si l'on en croit la secrétaire d'État, Agnès Pannier-Runacher, lors de son discours prononcé lors de la journée des start-up organisée par le Snitem le 14 mai dernier. « C'est un marché d'avenir avec une croissance des dépenses de 5 % chaque année », a rappelé la ministre. Certes, pour être dans le meilleur des mondes possibles, il n'y a rien de plus performant que de recourir au vocabulaire sportif. Les entreprises du DM ont donc à relever quatre défis, en premier lieu, le défi réglementaire avec l'application en 2020 du nouveau règlement européen. Le second serait l'optimisation des conditions d'accès au marché. Le financement constitue la troisième marche. Mais qu'on se rassure, le gouvernement a tout prévu. « Nous préservons le forfait crédit recherche qui représente 600 millions d'euros pour les industries de santé. Mais cela n'est pas suffisant. Nous avons créé le fond Medtech doté de 150 millions d'euros et le fonds patient autonome de 63 millions d'euros. L'écosystème de financement est en fait bien plus large. » Enfin, il s'agit de gagner le défi de l'innovation. « La santé est transformée par le numérique et l'intelligence artificielle. Nous avons tous les atouts pour devenir un leader mondial dans les DM. C'est notre responsabilité médicale de transformer ces atouts en solutions pour les patients, en nouvelles activités pour les entreprises et en nouveaux emplois. »
En résumé, il y aurait peut-être des problèmes. Mais ils seraient en passe d'être résolus. Le réel, le quotidien des acteurs du secteur sont-ils en phase avec le discours ?
2018, un seul ASA 1 dispensé
Sur les lenteurs de l'évaluation au niveau national, le message a, semble-t-il, été entendu par les agences et autres autorités. Et des progrès sensibles ont été recensés. Résultat, le délai moyen de traitement des demandes d'inscription par la Commission nationale d'évaluation dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS) installée au sein de la HAS s'est élevé en 2018 à 97 jours. 162 nouveaux dispositifs ont été évalués. 64 % d'entre eux ont reçu un avis favorable au remboursement. Mais comme pour les médicaments, les améliorations du service attendu (ASA) sont dispensées… au compte-gouttes. Un seul en 2018 d'un ASA 1, donc importante. 4 modérées, 8 mineures, et 96 absentes. La bonne ou mauvaise note obtenue n'est pas que symbolique. Elle influe directement lors des négociations sur le prix. D'où les contestations récurrentes des producteurs de produits de santé concernant la sévérité des commissions.
Lutter contre le gaspillage de pansements
Quant aux difficultés des pouvoirs publics à conjuguer en même temps maîtrise des comptes sociaux et valorisation de la filière industrielle, elle se traduit chaque année lors de la construction du PLFSS. En attendant qu'Agnès Pannier-Runacher défende son point de vue, l'assurance maladie vient de publier son rapport pour améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Sans surprise, les dispositifs médicaux sont une fois de plus dans le viseur. Dès la seconde proposition, l'assurance maladie suggère de limiter les durées de prescriptions hospitalières exécutées en ville de pansements à un maximum de 7 jours. Cette reco s'inscrit dans la lutte contre le gaspillage. Les infirmières auraient sonné l'alerte lors de leurs visites à domicile en constatant la non-consommation de sets de pansements par exemple. Mais ce n'est là qu'un début. Le dispositif free-style libre® chez les diabétiques qui évite les dosages de glycémie capillaire ou les pompes à insuline sont sous contrôle. Sont en cause des prescriptions qui ne respectent pas la réglementation. Outre la baisse de prix proposée au Comité économique des produits de santé, l'assurance maladie appelle à la mise en place rapide d'une cellule d'observation dès l'arrivée sur le marché d'un nouveau dispositif médical onéreux.
Transposition de la loi Jardé dans le droit français ?
Certes la secrétaire d'État ne s'était pas engagée sur le contrôle des volumes et des prix. Mais du moins, on aurait pu s'attendre de la part des pouvoirs publics à l'adaptation rapide de la loi française à la nouvelle réglementation européenne. Ce qui, au début juillet 2019 ne paraît pas être le cas. En effet, persistent de nombreuses différences entre la loi Jardé qui encadre les essais cliniques et les nouvelles dispositions du règlement européen. En dépit des alertes, le gouvernement ne s'est toujours pas saisi du dossier.
Clarification en matière d'évaluation clinique
Ce nouveau règlement européen UE 2017/745 qui change en profondeur les règles du jeu est en tout état de cause un séisme pour certains acteurs du secteur. Les entreprises sont-elles prêtes à moins d'un an à respecter celle nouvelle donne. « C'est le résultat d'une très longue évolution qui a été réalisée par étapes, précédée d'une très longue préparation des textes, explique Jean-Claude Ghislain, directeur des situations d'urgence, des affaires scientifiques et de la stratégie européenne à l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). Il n'y a pas d'effet de surprise. Logiquement le secteur a bénéficié d'assez de temps pour se préparer. Des discussions sont en cours pour toutefois évaluer l'état de préparation du secteur puisque nous sommes à un an de la mise en œuvre pour les nouveaux produits. Logiquement tous ceux qui ont pris en compte un certain nombre d'évolutions déjà proposées sous forme de guidelines, certes pas encore opposables mais qui traçaient le sens de l'histoire sont bien préparés. Ceux qui en revanche ont ignoré les réalisations au fil des années, éprouveront une certaine difficulté à monter la dernière marche. On peut citer à titre d'exemple la surveillance post-marché, la vigilance, les résumés périodiques de sécurité, la fin du système des équivalences. Certains de ces principes étaient précisés dans les directives européennes. En ce qui concerne l'évaluation clinique, on a surtout clarifié. La directive de 2007 avait déjà mis la pression sur le recours aux essais cliniques pour les dispositifs implantables. » Ce grand bond en avant laisse encore plusieurs points dans le brouillard. Par exemple, des dispositifs feront l'objet d'une évaluation clinique renforcée. Un groupe d'experts européens sera alors désigné mais sous modalités ? Enfin, ce nouveau règlement est le résultat de compromis. Des experts ont proposé la création d'une Agence européenne du dispositif médical à l'image de celle du médicament. La proposition a été rejetée. Bref l'Europe du DM est encore en construction.
Elle n'a toutefois pas attendu la campagne médiatrice de l'automne dernier par des médias grand public européens pour se mettre en marche. « Cette crise n'a pas révélé d'affaires nouvelles », commente Jean-Claude Ghislain en phase avec tous les acteurs du secteur. De plus les acteurs publiés alors n'ont pas pris en compte les évolutions en cours du nouveau règlement qui permet de grandes avancées en matière de transparence et de qualité d'évaluation. »
Un seul organisme notifié francophone
Persiste toutefois un point très important dans cette montée en puissance de l'évaluation, celui des organismes notifiés à absorber la charge de travail de l'évaluation. Un énorme travail de réévaluation est programmé pour les dispositifs déjà sur le marché. Mais cette charge s'échelonnera jusqu'en 2024. Un organisme français était le seul au démarrage. En 2019, Il n'y a toujours pas de nouveaux candidats. La difficulté n'est pas liée au nouveau règlement mais à la disparition progressive d'autres organismes francophones. À la suite de la crise des prothèses mammaires PIP, ils ont tous fait l'objet d'une réévaluation. Certains n'ont pas souhaité s'adapter aux évolutions. Et ont cessé leur activité. Cela a été le cas au Luxembourg et en Belgique. D'où une pression sur le seul organisme francophone pour adapter ses capacités. Mais les fabricants n'ont pas l'obligation de s'adresser à un organisme francophone.
Arpenter d'autres marchés que la France apparaît dans ce contexte prioritaire. L'Allemagne serait même le modèle à suivre dans le domaine des DM, selon Jean-Yves Fagon, délégué interministériel à l'innovation en santé. Alors pour se former, la Banque publique d'investissement (BPI) avec l'aide de Medicen emmène pour un voyage de trois jours dans le Bade Wutenberg en Allemagne des jeunes entreprises innovantes et autres start-up qui s'immergeront dans cet écosystème réputé. À la même période se déroulera le salon Rehacare à Dusseldorf pour la rééducation et l'orthopédie. L'avenir pour le dispositif médical se jouerait-il de l'autre côté du Rhin ?
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation