Dernier acte de la saga donanémab ? En début d’année, la Food and Drug Administration (FDA) avait ajourné sa décision concernant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les formes précoces de la maladie d’Alzheimer et sollicité un comité consultatif en raison des effets indésirables.
À la suite de l’avis positif unanime rendu début juin 2024, la FDA a approuvé le 2 juillet 2024 le donanémab, commercialisé sous le nom de Kisunla par Eli Lilly, pour le traitement des formes précoces de la maladie d’Alzheimer.
L’agence américaine a ainsi déclaré que si les risques n’étaient pas écartés, le bénéfice du donanémab était plus important : la progression de la maladie est ralentie de 35 % dans la population d’essai à 18 mois et celle vers le stade clinique de 39 % par rapport au placebo.
Le donanémab vient ainsi rejoindre son cousin le lécanémab, le Leqembi des laboratoires Biogen et Eisai, un autre anticorps monoconal anti-amyloïde qui a obtenu une AMM américaine en juillet 2023 avec 27 % de ralentissement de la progression.
Pour rappel, en 2024, Biogen et Esai ont annoncé arrêter pour raisons financières la production d’aducanumab (Aduhelm), un premier anticorps monoclonal controversé. La demande d’AMM avait été refusée en Europe fin 2021, alors que l’approbation aux États-Unis avait été restreinte et soumise à condition quelques mois plus tôt par la FDA.
La décision américaine sur le donanémab était scrutée des deux côtés de l’Atlantique. L’agence européenne du médicament, l’EMA, planche sur le sujet des nouvelles immunothérapies anti-amyloïdes dans la maladie d’Alzheimer et devrait rendre prochainement un avis sur le lécanémab.
Quelles contre-indications ?
La FDA indique que la mise sous traitement n’est pas soumise à une limite d’âge ni à la mesure des taux de protéines tau en amont, mais requiert la recherche du statut APOE4 (les homozygotes APOE4 présentant un risque d’effets secondaires plus importants) et le fait de ne pas suivre un traitement anticoagulant. Ces restrictions rendraient éligibles environ 10 à 15 % des patients au stade précoce.
Avec les nouveaux anticorps monoclonaux, des anomalies radiologiques liées à l’amyloïde (Aria) à type d’œdèmes et de saignements cérébraux sont observées dans les essais chez 24 et 31 % des patients pour le donanémab, les chiffres étant moins élevés pour le lécanémab (respectivement 12,6 % et 17,3 %). Le donanémab présente l’avantage d’un traitement limité en durée, au bout de 18 mois, une fois que le PET-amyloïde se négative, fait valoir le laboratoire. Il sera administré en perfusion de trente minutes une fois par mois, au prix de 695,65 dollars par flacon, soit 32 000 dollars par an (un peu moins de 30 000 euros).
Un tournant thérapeutique
Pour le Pr Nicolas Villain, neurologue à l'Institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer (AP-HP), l’arrivée du donanémab comme du lécanémab est un tournant thérapeutique. « Bien que loin d’être miraculeuses, ces immunothérapies nous amènent à une médecine de précision puisqu’elles ouvrent de nouvelles perspectives de traitement des formes précoces de la maladie », développe-t-il.
Le Pr Villain reste cependant prudent en l’absence de recul et de données de plus de dix-huit mois. « Ce n’est pas encore une révolution pronostique pour les patients. Si l’efficacité est certaine au vu des résultats des essais, nous ne savons pas encore si elle s’amplifie ou se maintient dans le temps. Généralement, au stade précoce, il reste encore sept à quinze ans aux patients avant le stade de démence sévère », expose le Pr Nicolas Villain.
Le spécialiste fait remarquer que pour le donanémab, les résultats de l’essai montrent une amélioration de seulement 0,67 point sur le score CDR-SB (Clinical Dementia Rating Score), « un effet qui serait modeste pour les patients au regard des risques d’Aria pour deux à trois ans de qualité de vie ». Enfin le neurologue évoque les changements qu’induirait l’arrivée du lécanémab en France. « Aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer se diagnostique en moyenne à des stades déjà avancés. Ces nouvelles thérapies requerront de le faire plus tôt et donc de recevoir plus de gens en consultation mémoire devant les premiers signes de déclin. Cela va générer un flot de patients important et sollicitera les médecins généralistes autant que les spécialistes et centres mémoire. »
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