« La fille de Brest », l’affaire Médiator portée au grand écran

Publié le 20/11/2016
Une demi-douzaine d’années après que l’affaire ait éclaté et avant même qu’elle ait été jugée, un film raconte l’histoire d’Irène Frachon, de la découverte des premiers signaux à la suspension du médicament. Une saga sanitaire en accéléré, entre Finistère et Paris, au cours de laquelle aucun moyen n’est épargné pour convaincre le spectateur.

Pas si simple apparemment de traiter de l’affaire Médiator -pourtant O combien médiatisée- sur grand écran. A en croire Emmanuelle Bercot, réalisatrice de « La Fille de Brest » qui sortira en salle mercredi 23 novembre, ce n’est d’ailleurs pas elle qui a imaginé le sujet, mais son producteur « Haut et court » qui a insisté pour qu’elle s’y attelle. Et c’est finalement la rencontre avec son héroïne, Irène Frachon, qui l’aurait décidée complètement.

Pas évident non plus de trouver l’interprète idoine pour incarner la pneumologue brestoise. « Au moment du casting, je n’arrivai à projeter aucune actrice française sur le rôle », raconte la cinéaste. Et c’est finalement Catherine Deneuve qui lui aurait suggéré d’aller chercher plus au nord de l’Hexagone…

Mais avant de transformer Sidse Babett Knudsen –l’actrice danoise déjà découverte par le public français dans la série Borgen et au cinéma dans l’Hermine- en une Irène Frachon plus vraie que nature, il a fallu deux ans d’écriture. Et, assure Emmanuelle Bercot, une rigueur de tous les instants sur les faits relatés, alors même que l’épilogue judiciaire n’est toujours pas connu.

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Le film est complètement construit à partir du regard de la pneumologue, son livre « Mediator 150 mg » ayant servi de base de départ au scénario, celle-ci ayant par ailleurs joué un rôle de conseiller technique pendant le tournage. « L’actrice est beaucoup plus dure que dans la réalité », prévient la réalisatrice, qui dépeint Irène Frachon (la vraie) comme aussi têtue qu’émotive et quasi prédisposée à se retrouver un jour sous la lumière des projecteurs. « Un rien cabotine », ajoute Benoît Magimel, qui lors du tournage à Brest a plusieurs fois croisé la pneumologue à l’hôpital de la cavale blanche, alors que, dans le film, il lui donne la réplique, incarnant le patron du Centre d’investigation clinique du CHU.

Irène Frachon sur tous les fronts

Dans le scénario très enlevé d’Emmanuelle Bercot, Irène Frachon est campée en Jeanne d’Arc de la santé publique, bataillant face aux représentants de l’industrie et se heurtant au scepticisme des experts et hauts fonctionnaires de l’Agence du médicament, jusqu’à la victoire finale : le retrait du produit. On la voit enquêter sur place, houspillant ses confrères brestois pour aller plus vite, faisant bosser en parallèle une jeune thésarde en pharmacie ou dégotant une taupe au service statistique de la Cnam afin d’obtenir, coûtent que coûtent, des preuves. Dans l’optique du film, rien ne lui est épargné… mais tout lui réussit. Auprès de ses patients, elle n’est qu’abnégation et dévouement. Tout en parvenant dans ce tourbillon à conserver, on ne sait trop comment, une vie familiale harmonieuse…

Difficile pourtant dans ce genre d’entreprise de ne pas tomber dans le manichéisme et la facilité. Autour de « La fille de Brest », il y a les bons et les méchants. Et peu d’espace pour tout autre portrait intermédiaire. La caméra ne s’intéresse guère au laboratoire, mais les rares séquences qu’elle consacre à ses porte-paroles tournent un peu à la caricature. Le film traite aussi cette histoire comme la confrontation entre le parisianisme hautain des élites universitaires et la détermination d’une équipe de terrain d’un petit CHU de province. Côté spectateur, pas de répit pendant plus de deux heures. Pour mieux le gagner à ses arguments, Emmanuelle Bercot ne recule devant rien. Et fait le choix –discutable- de ne rien lui cacher. Jusqu’aux images, franchement « gores » pour les béotiens, des autopsies…

 

Film français d'Emmanuelle Bercot (2h08) avec Sidse Babett Knudsen et Benoît Magimel


Source : lequotidiendumedecin.fr