Dans un ouvrage sans concession, le Dr Claude Pigement épingle l’ANSM dont il a été vice-président et la communauté médicale qui ont longtemps nié les alertes des patients sur le Levothyrox nouvelle formule.
L’affaire Levothyrox reste une énigme. Aujourd’hui encore, près de trois ans après sa mise sur le marché, nul ne sait exactement pourquoi la nouvelle formule du médicament contre l’hypothyroïdie a entraîné autant d’effets secondaires (fatigue intense, nausées, troubles de l’équilibre, perte de cheveux...) chez des dizaines de milliers de patients malgré un bon dosage de leur TSH.
Cette question taraude le Dr Claude Pigement depuis les premières alertes des patients médiatisées à l’été 2017. Le gastro-entérologue de 74 ans a suivi très attentivement cette affaire. Et pour cause, il en a été acteur et témoin comme vice-président de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), de 2013 à 2018.
Dans un ouvrage réquisitoire*, le Dr Pigement s’étonne de la « communication artisanale » de l’ANSM pour prévenir les médecins du changement de formule, se contentant d’un simple courrier. L’ex-responsable santé du parti socialiste épingle aussi le déni ambiant, reprochant à la ministre de la Santé d’avoir d’abord minimisé les problèmes liés au nouveau traitement du laboratoire Merck, en dépit des nombreux effets secondaires signalés.
Série de dysfonctionnements
Le praticien liste de nombreux dysfonctionnements : le refus d’Agnès Buzyn de lancer une enquête de l’IGAS, la « mascarade » d’une mission flash parlementaire concluant à une « crise médiatique » et le dédain des élites médicales (dont les sociétés savantes d’endocrinologie) ayant réduit la souffrance des patients à un simple « effet nocebo ». « Les généralistes paraissent, eux, plus en proie aux doutes », observe le Dr Pigement. L’un d’eux a saisi le défenseur des droits et porté plainte pour « tromperie aggravée ».
L’ouvrage relate le combat de son auteur pour obtenir de l’ANSM, en vain, une enquête scientifique.
Le médecin s’interroge enfin : pourquoi avoir modifié la composition du Levothyrox, avec seulement 23 cas de désordre thyroïdiens observés en deux ans, selon un rapport de pharmacovigilance longtemps resté secret ?
L’affaire Levothyrox, amplifiée par les réseaux sociaux, marquera un tournant dans la gestion des crises sanitaires et la prise en compte des alertes, conclut le Dr Pigement, qui appelle à un « examen des consciences à tous les niveaux ». n Christophe Gattuso
*« Levothyrox, une scandaleuse négligence, 3 millions de patients mis en danger », l’Archipel, 208 p., 18 €
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