Comment recevez-vous la stratégie Santé Innovation 2030 ?
Ce sont des signaux accueillis favorablement par la filiale française mais également perçus positivement par le siège aux États-Unis. La venue de notre président a permis d’adresser des messages au ministre des Solidarités et de la Santé afin que l’Hexagone soit encore plus attractif. En premier lieu, nous sommes un acteur stratégique dans plusieurs aires thérapeutiques comme l’oncologie, l’hématologie, la cardiologie, l’immunologie, la transplantation. Nous disposons par ailleurs d’un portefeuille très innovant avec la chance d’avoir des technologies disruptives comme les immunothérapies et les CAR-T. Second message qui m’est personnel, nous réalisons chaque année des investissements majeurs en recherche clinique sur le territoire français. Le secteur pharmaceutique investit en moyenne 470 millions d’euros chaque année. La filiale française de BMS sur la seule dimension des essais cliniques engage plus de 100 millions chaque année. Ce budget augmente régulièrement. En dépit de son importance, il fait l’objet d’une moins grande attention par les politiques, surtout en région, qu’un investissement industriel. Pourtant une usine de production de médicaments chimiques représente un investissement de 100 millions d’euros qui génère la création de 100 emplois. Notre budget consacré aux essais cliniques est à l’origine chaque année de 165 emplois, et cela tous les ans. Cette réalité est, il est vrai, difficile à appréhender. Je me félicite que dans la stratégie Santé Innovation 2030, certaines mesures reconnaissent enfin l’importance de la recherche clinique. Troisième message, la réforme de l’accès précoce représente une réelle avancée. À ce jour, 11 de nos produits ou indications nouvelles sont dispensés grâce à ce dispositif.
Tout va-t-il pour le mieux ?
Au-delà de ces messages positifs, nous avons bien sûr rappelé les délais d’accès pour accéder au marché, la charge administrative imposée avant de lancer un essai clinique. À cet égard, la filiale française a perdu son leadership européen, notamment en oncologie au profit d’autres pays qui se sont révélés plus performants. L’État envoie des messages paradoxaux, du type, la France accueille l’innovation. Dans le même temps, l’activité est surrégulée sur le plan économique. D’où parfois une incompréhension exprimée par les centres de décision des laboratoires étrangers. Prenons l’article de la LFSS qui a ajouté un quatrième niveau de régulation à l’immunothérapie dans les cancers. C’est pourtant une des classes les plus innovantes qui chronicise le cancer.
Dans un groupe international comme le nôtre, les mesures incitatives sont de nature à générer des investissements si elles s’accompagnent de la stabilité dans la régulation. Ce sont aussi des éléments additionnels de réassurance pour un investisseur industriel. Si d’aventure BMS investit sur le territoire français, le projet serait de construire une usine en biotechnologie de type CAR-T. La valorisation d’investissements qui se traduiraient dans le prix des médicaments revêt une importance nouvelle liée aux changements de politique envisagés par l’administration Biden. À terme, le prix des médicaments dispensés dans le cadre des programmes de type Medicare serait fixé à partir de la moyenne des tarifs observée dans les pays de l’OCDE. Conséquence, le prix des médicaments en France sera encore plus observé qu’il ne l’était déjà du fait de cette nouvelle manière d’envisager la régulation des prix sur le marché américain.
J’observe enfin avec un grand intérêt comment l’enjeu de souveraineté qui au plus fort de la crise a porté sur les petites molécules comprend aujourd’hui les thérapies biologiques.
Pourquoi l’Espagne est souvent citée comme une terre d’accueil exemplaire pour les essais cliniques ?
L’oncologie représente 80 % de nos développements cliniques. L’Espagne a dépassé la France dans le recrutement de patients pour la technologie CAR-T. Les délais sont trois à quatre fois plus courts sur le critère de l’inclusion des premiers patients. La France est actuellement à la cinquième place, distancée par des acteurs qui historiquement étaient derrière nous. La qualité du secteur hospitalier, académique, son savoir-faire ne sont plus des éléments de différenciation. Si demain, nous adoptons les standards de l’Espagne pour ce qui concerne les temps de validation des protocoles, la France peut reprendre le leadership en Europe dans les cinq prochaines années.
Que manque-t-il à cette stratégie Innovation 2030 ?
Simplement de la mettre en place ! L’ensemble des acteurs du système auront-ils la volonté de suivre cette impulsion politique ? Depuis le dernier CSIS, certaines résolutions n’ont pas été suivies d’effet. Manque aussi la réforme de l’évaluation. Nous avons gagné sur les temps de mise sur le marché. En revanche, l’optimisation du processus de l’évaluation n’a pas été explorée. Faut-il rappeler que l’objectivité des réponses de la Commission de transparence parfois questionne ? Notamment la qualité de l’expertise mobilisée pour évaluer les produits. Le prochain PLFSS permettra de vérifier si les promesses de l’été deviennent une réalité de l’automne. Le Président Macron a bien précisé comment le médicament (23 à 24 milliards de produits remboursés) a été la variable d’ajustement de l’Ondam. Il fallait que cela change. Nous verrons rapidement si le projet du prochain PLFSS répond à cet engagement politique.
Revenons à l’actualité de BMS. Que peut-on retenir de l’Asco 2021 ?
Nous avons été un des acteurs clés de cette édition certes de l’Asco mais aussi de l’EHA. 75 études qui couvrent 18 tumeurs différentes ont été présentées. Ce qui nous a permis de mettre en avant nos incontournables immunothérapies, nos thérapies cellulaires notamment dans le myélome multiple, mais aussi la nouvelle génération des CELMoDs. Les associations d’immunothérapies ont soulevé un vif intérêt. L’ajout du rélatlimab, nouvel inhibiteur du point de contrôle immunitaire du gène d’activation des lymphocytes-3 au nivolumab a entraîné de très bons résultats. BMS est le seul laboratoire à disposer de trois immunothérapies. Nous avons également démontré l’intérêt de l’association de ce qu’il est convenu d’appeler une triplette, à savoir une chimiothérapie et deux immunothérapies dans le carcinome épidermoïde œsophagien (voir p. V). Dans le cancer du poumon non à petites cellules, après un suivi de deux ans, une association d’immunothérapies en première ligne s’est également révélée performante. Enfin, les données de notre programme de développement dans le myélome multiple, KarMMA avec notre CAR-T renforce l’ambition qu’il soit non seulement first in class mais best in class pour les patients réfractaires après trois lignes de traitement.
Ce traitement est-il accessible dans l’Hexagone ?
Les patients français ont accès à cette technologie depuis le 10 juin dernier. La France est le second pays après les États-Unis à faire bénéficier les centres experts, douze dans l’Hexagone, de cette innovation majeure. Un autre CAR-T est également développé dans le lymphome. Nous sommes le seul laboratoire à disposer de deux CAR-T, en mesure d’être commercialisés dans les prochaines années.
Où sont produits les CAR-T ?
En partie aux Etats-Unis où BMS disposent de plusieurs usines de production. Pour l’Europe, un site sera créé aux Pays-Bas à Leyden dans un pôle de technologie. Leyden avec son cluster illustre l’une des ambitions de la stratégie Innovation 2030, à savoir la création d’un Boston à la française. L’annonce d’une association entre l’Institut Gustave-Roussy, Paris-Saclay et l’Ecole Polytechnique répond à une demande d’attractivité nécessaire pour attirer des investissements industriels qui sont décidés dans des temps longs. Ils ont été au cœur des discussions menées lors du sommet Choose France entre le président de BMS et les autorités françaises. Le nouvel environnement créé par les réformes en cours ouvre un champ des possibles pour envisager des investissements sur notre territoire dans un moyen terme.
En dehors de l’oncologie, quels sont les autres axes de développement ?
Après le rachat de Celgène, BMS a fait l’acquisition d’une biotech MyoKardia, spécialisée dans les pathologies cardiovasculaires. Nous développons ainsi le mavacamtem, actuellement en phase III, très attendu par les spécialistes dans les cardiomyopathies hypertrophiques obstructives. Enfin BMS prépare son arrivée en neurologie dans la sclérose en plaques avec le Zeposia ®.
Au-delà de ces nombreuses innovations et de ce nouvel environnement déjà évoqué, comment qualifier le moment que nous traversons ?
Une prise de conscience s’est opérée à cause ou grâce à la pandémie dans l’écosystème de santé. Et c’est bien sûr une bonne chose. Trop longtemps, l’hôpital mais aussi les industries de santé, ont été relégués au second plan, gérés par une seule logique comptable. Lors de la précédente élection présidentielle, la santé a été la grande oubliée des programmes. Cela ne sera pas le cas en 2022. L’idée de coopération s’impose dans le débat. En renforçant le dialogue entre acteurs alors que la compétition s’intensifie avec les autres pays, cette prise de conscience se transformera-t-elle en réelle mutation, voire révolution du système ? Il y a en tout état de cause, une réelle volonté politique à faire bouger les lignes. Nous sommes prêts à aider tout en restant à notre place. Il faut espérer que les administrations ne redoutent pas de se réinventer.
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