En premier lieu, concernant l’appellation de RCP moléculaires, on doit en souligner l’extrême hétérogénéité. Dans certains centres, dès lors qu’une anomalie moléculaire a été décelée, le malade est présenté à une RCP moléculaire, là où pour la plupart des centres ce type de dossier peut faire l’objet d’une simple RCP, dès lors que cette situation entre dans le cadre d’une AMM accordée pour une anomalie moléculaire particulière. La présentation d’un dossier dans le cadre d’une RCP moléculaire paraît plus justifiée lors de la survenue d’une résistance à une première ligne de traitement ciblée. Les mécanismes de résistances peuvent être complexes : transformation histologique, mutation de résistances, amplification génique, activation d’une autre voie de signalisation. Le choix thérapeutique va être plus complexe : chimiothérapie, maintien du traitement malgré la progression, changement de thérapie ciblée dans le cadre d’une AMM, d’un essai thérapeutique ou d’un ATU, utilisation d’une molécule n’ayant pas d’AMM dans cette indication. Dans ces deux premières situations, les anomalies recherchées sont relativement limitées, entrent dans le cadre des biomarqueurs recommandés par l’Inca et sont couvertes par les NGS ciblés (20 à 50 gènes analysés).
Un troisième type de RCP a été mis en place depuis près de trois ans entre l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Pr Laurent Puig) et l’hôpital Tenon, et devrait se développer dans les prochaines années dans le cadre du projet SeqOIA (AP-HP, Institut Curie, Gustave-Roussy). Le dossier des patients présentés répond à un ou plusieurs critères, par exemple dans le cadre d’un cancer du poumon : patient plus jeune, non-fumeur, réponse inhabituellement longue à un traitement conventionnel, antécédent de cancers familiaux, absence d’anomalies moléculaires sur le panel NGS ciblé. Aujourd’hui, cette procédure est réalisée dans certaines situations cliniques de cancer bronchique ou de côlon et chez des patients porteurs de tumeurs rares (tumeurs cérébrales, sarcomes, tumeurs endocrines). La nouveauté ici est d’explorer l’ensemble du génome tumoral du malade – par l’analyse de l’ADN (exomes) ou de l’ARN (séquençage ARN) et non plus de cibler quelques mutations. Cette analyse permet de repérer des anomalies pour lesquelles des molécules peuvent être proposées, mais qui ne disposent pas d’AMM ou pas d’AMM pour le cancer considéré. Cette approche soulève des questions de coût pour des médicaments hors AMM ; il ne s’agit pas de faire exploser le dogme des AMM. Ce type de situation impose par ailleurs une consultation chez l’oncogénéticien et peut poser des problèmes éthiques. Afin d’analyser correctement le génome tumoral, il est nécessaire de disposer du génome normal de référence du malade. On est alors amené à retrouver des anomalies qui n’étaient pas recherchées et qui déterminent une prédisposition à des cancers, mais aussi à d’autres maladies. Cette nouvelle approche doit être très encadrée avec des échanges entre des biologistes moléculaires, des biomathématiciens, des spécialistes d’organes, des pharmaciens et des éthiciens. Cette pluridisciplinarité est d’autant plus nécessaire que l’on est confronté à la mise en évidence d’anomalies non recherchées ou de signification inconnue. Certaines anomalies concernent des protéines dont la fonction est inconnue, ou des modifications d’une protéine connue mais dont la signification est incertaine, ou qui aujourd’hui n’ont pas d’incidence thérapeutique. Cette approche exhaustive ou agnostique permet d’envisager d’autres questions thérapeutiques. Non seulement des anomalies spécifiques sont recherchées, mais on peut quantifier le nombre total de mutations (charge mutationnelle). Cette quantification serait un meilleur marqueur que l’expression tumorale de PDL-1 pour prédire l’efficacité d’une immunothérapie. Pour un même tissu, on aura à la fois accès aux gènes modifiés de la tumeur et aux gènes surexprimés ou au contraire réprimés des cellules de la réponse immunitaire afin de mieux prédire une réponse ou non favorable au traitement. Un nouveau savoir se construit au fil des séances. On apprend en comprenant.
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