Après la mort d’un volontaire et des symptômes neurologiques graves chez cinq autres patients, advenus à Rennes lors de l’essai clinique de phase 1 effectué par la firme Biotrial sur une molécule du laboratoire Bial, visant à traiter les troubles de l’humeur et l’anxiété, une question vient immédiatement à l’esprit : l’étude a-t-elle bien suivi la procédure d’un essai de phase 1 ?
Selon le Pr Jean-François Bergmann, chef du département de médecine interne à l’hôpital Lariboisière et ancien vice-président de la commission d’AMM de l’Agence française du médicament , la question est, pour l’instant, difficile à trancher, puisqu’une enquête est en cours. Tout en soulignant aussitôt qu’on peut, d’ores et déjà, remarquer que le centre d’investigation où a été pratiqué l’essai, validé et inspecté, était « dans les clous ».
Le protocole, qui a été publié par l’ANSM, était, quant à lui, complètement dans les normes d’un essai de phase 1 avec des définitions de paliers tout à fait correctes.
Le praticien balaie ensuite l’argument, « lu çà et là », selon lequel l’existence d’un bras placebo dans une étude de phase 1 en faisait un essai à cheval entre la phase 1 et la phase 2. Pour lui, en effet, le but d’un essai de phase 1 est d’augmenter progressivement les doses du médicament testé pour voir à quelle posologie apparaissent les effets indésirables. En général, on constate d’abord des effets indésirables précurseurs tels que céphalées, et troubles digestifs (de type nausées), qui signalent le palier où il ne faut plus augmenter les doses. Le problème, dans cet essai, pointe-t-il, c’est qu’il n’y a pas eu ces signes précurseurs et qu’on est entré directement dans une phase très toxique.
Or la description de ces effets secondaires dépend de la façon dont le volontaire sain va les ressentir. Il est donc absolument indispensable, lors d’une phase 1, de pratiquer le double aveugle et d’avoir un bras placebo pour ne pas avoir un biais de perception.
De même, prétendre, comme il a pu être écrit, que le nombre élevé de sujets (120) fait de cet essai clinique un intermédiaire entre la phase 1 et 2, lui paraît spécieux. En effet, un essai de phase 1 impose de faire beaucoup de paliers, « avec au moins 6,8 malades par palier » et, donc, avoir des essais de phase 1 avec une centaine de malades ne lui semble pas disproportionné.
Une progression « normale et logique »
L’essai ne lui paraît pas non plus avoir commencé avec des doses trop fortes, puisque les premières doses qui ont été administrées étaient bien inférieures à la posologie qui a posé problème.
La progression des doses uniques (0,25 mg puis 1,25 mg, puis 2,5, puis 5 mg, et ce jusqu’à 100 mg), semble aussi à l'ancien vice président de la commission d’AMM, « normale et logique ». Les doses répétées, 50 mg pendant cinq jours, soit 250 mg en tout, ont pu, en revanche, par leur caractère répété, poser un problème par effet d’accumulation, mais cela reste à éclaircir.
Faut-il avoir peur des essais de phase 1 ? L’interniste insiste sur le caractère exceptionnel de ce type d’accidents : « Il faut se souvenir qu’il y a, chaque année, des centaines d’essais de phase 1 avec des milliers de volontaires, au cours desquels il ne se passe jamais rien. Ce n’est donc pas le principe de l’essai de phase 1 qui est à remettre en question, mais bien ce qui s’est passé avec ce produit-là ». Et cela, seule l’enquête en cours pourra nous le révéler.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation