Moins de tuberculoses mais plus d'antibiorésistances

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Publié le 21/03/2017
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Crédit photo : SPL/PHANIE

À l'occasion de la journée mondiale de la lutte contre la tuberculose, c'est un volumineux BEH qui se consacre cette semaine à la pathologie. Les données montrent une poursuite de la diminution du nombre de cas en France en 2015. À première vue, la levée partielle de l'obligation vaccinale par le BCG a eu peu d’impact chez l’enfant. De même, la proportion de l'antibiorésistance reste généralement faible en comparaison à ce qui s’observe dans d’autres pays ; la hausse de la multirésistance constatée depuis 2012 s’étant stabilisée à 100 cas par an.

Une poursuite de la diminution de l’incidence

Les tendances montrent une décroissance globale de l’incidence de la tuberculose qui est particulièrement marquée dans les 31 pays de l’UE avec un taux de déclaration de 11,7 cas sur 100 000 habitants en 2015. En France ce taux est encore plus bas avec 7,5 cas pour 100 000 en 2013. Cependant, cette amélioration masque de grande disparité, autant au niveau territorial que populationnel incitant à une grande vigilance. De plus, depuis 2007 l’obligation de vacciner les enfants par le BCG a été remplacée par une recommandation pour ceux qui demeurent les plus à risques et tous ceux vivant en île de France, Guyane et Mayotte (depuis 2011). Il était donc nécessaire de faire le point sur l’épidémiologie de la maladie en se concentrant sur les enfants nés après 2006.

Ainsi, les données de surveillance montrent que si l’on tient compte de l’exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) de 73 %, le nombre réel de nouveaux cas est d’environ 6 500. Mayotte, l’île de France et la Guyane sont les trois régions les plus affectées. Par exemple, le taux de déclaration a doublé en un an à Mayotte (sûrement à cause de la hausse des flux migratoires constatée). Apparemment, sur 52 cas de nationalité étrangère enregistrés là-bas en 2015, 40 présentaient une date d’arrivée récente (pas avant 2013).

De manière générale en France, la pathologie demeure très fréquente chez les populations d’origine étrangère qui ne représentent que 11,5 % de la population totale mais concentraient près de 60 % des cas en 2015 contre 40 % en 2000. Ce risque est d’autant plus élevé les premières années suivant leur arrivée ce qui justifie la mise en place d’un dépistage précoce.

Une résurgence observée chez les seniors

Par ailleurs, en France (métropole et territoires Outre-mer), les cas de tuberculose chez les sujets de plus de 80 ans ne représentent pas moins de 9 % des cas alors que seulement 5,7 % de la population générale est dans cette tranche d’âge. Ces cas correspondent probablement à des réactivations de tuberculose anciennes à l’époque où la maladie était encore fréquente. Le nombre de cas chez les seniors pourrait augmenter compte tenu du vieillissement de la population. Déjà dans l’UE, la proportion des malades de plus de 65 ans est de 19 % mais en Croatie ou en Finlande elle atteint 40 %. Le diagnostic et les soins étant plus difficile dans cette tranche d’âge à cause de comorbidités et des polymédications, ce fait pourrait compliquer la lutte contre la pathologie.

Pas d’impact de la suspension de l’obligation vaccinale chez l'enfant…

En revanche, chez les plus jeunes, l'incidence reste faible. Le nombre de cas chez les enfants nés après 2 006 est inférieur chaque année au nombre de cas chez les enfants du même âge en 2005 (à l’exception de 2008 et 2014), lorsque la vaccination était obligatoire. Cette baisse globale est le reflet d’une diminution des cas observée en Ile de France mais aussi d’une hausse dans le reste de la France, où un pourcentage conséquent de cas éligibles à la vaccination ne l’était pas.

... Mais des inquiétudes liées aux tensions d'approvisionnement en vaccin

Ces chiffres traduisent une inégalité de couverture vaccinale par le BCG. Celle-ci reste élevée en Ile de France avec plus de 80 % d’enfants vaccinés à 9 mois en 2014 alors que dans les autres régions métropolitaines elle ne dépassait pas 50 % chez les enfants à risques en 2008-2009. Si aucune donnée plus récente n’est accessible, des témoignages de praticiens révèlent que la couverture vaccinale est en baisse en raison de l’approvisionnement insuffisant en vaccin. D’autres observations ont également suggéré qu’un manque d’identification des enfants à risques et la difficulté à utiliser la technique intradermique pourrait aussi jouer un rôle. Il s’avère donc nécessaire de renforcer la formation et la sensibilisation des professionnels de santé sur ces aspects.

La situation actuelle ne permet donc pas de remettre en cause la stratégie vaccinale pour l’instant. Cependant, il faut continuer à suivre l’évolution de l’incidence de la maladie notamment dans les nouvelles générations d’enfants. Ceci paraît d’autant plus important que le nombre de cas de tuberculose en 2015 continue probablement d’être sous-estimé car la complétude des données n’est pas encore optimale.

Les tuberculoses multirésistantes concernent en majorité les personnes nées à l’étranger

En effet, même si les fiches de déclaration s’avèrent de plus en plus complètes, la qualité des données reste à améliorer notamment concernant l’antibiorésistance.

D’après le réseau sentinelle des laboratoires des CHU (AZAY-Mycobactéries), le pourcentage de résistance à au moins un antituberculeux de première ligne est de 9,2 % et la proportion de multirésistance de 2,8 %. La fréquence de résistance à l’isoniazide et à la rifampicine a augmenté, passant respectivement de 3,6 % en 1995 à 8,9 % en 2015 et de 1,1 % à 2,9 %. En 2014, le pourcentage de tuberculoses multirésistantes s’est avéré être le plus élevé jamais atteint en France avec 2,6 % mais le nombre total de cas reste toutefois faible au regard d’autres pays.

De manière générale, elle concerne principalement les personnes nées à l’étranger en particulier celles originaires d’Europe de l’Est. Récemment, une évaluation du devenir des cas de tuberculose multi ou ultrarésistantes a été effectuée par des équipes en île de France qui ont mis en place une cohorte de malades traités par un nouvel antituberculeux : la bétaquiline. Apparemment, l’analyse des résultats s’avérerait plutôt satisfaisante étant donné la gravité de la pathologie.


Source : lequotidiendumedecin.fr