Éditorial

Oubliés...

Publié le 07/02/2014
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François Hollande aime les symboles. Comme pour accompagner sa parole au geste, c’est dans le lieu hautement symbolique de la Maison de la Mutualité et à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, que notre président a placé sa version III du plan Cancer sous la signe de la lutte contre les inégalités. Si le cancer est sans conteste la première cause de mortalité en France, le risque d’en mourir est deux fois plus élevé pour un ouvrier que pour une profession libérale. Et même après la maladie, les victimes restent discriminées. Alors bravo aux mesures concrètes annoncées : lutte sans merci contre le tabac avec relèvement et extension du forfait à l’achat de substituts nicotiniques, dépistage systématique du cancer du col de l’utérus auquel échappent classiquement les populations défavorisées, accès aux IRM facilité, « droit à l’oubli » pour les malades définitivement guéris...

Mais ce qui était annoncé comme « le » plan devant constituer un tournant décisif pour la médecine générale dans la place qu’elle occupe dans la lutte contre le cancer, se révèle au final bien décevant. Et, à cet égard, pas plus convaincant que sa version précédente. Car à chacune, ou presque, des mesures annoncées, on aurait pu imaginer un rôle dédié au généraliste. Rien de tout cela. Dans ce rapport de 152 pages, le terme « médecin traitant » n’apparaît que dans 17 d’entre elles. Et son rôle reste inlassablement cantonné à celui d’un rouage de transmission d’informations ou d’un professionnel qui doit être « sensibilisé aux circonstances de découverte des cancers ». Dans ce contexte, l’allusion à une rémunération à la performance pour la lutte conte le tabac ou les frottis apparaît comme un maigre lot de consolation.

De ce point de vue, il est très étonnant, de la part du socialiste Hollande, que dans sa lutte contre les inégalités sociales face au cancer, il ait tenu si peu compte des incitations du Pr Jean-Paul Vernant. Cet oncologue, férocement attaché aux principes d’égalité d’accès aux soins, avait pourtant, dans son rapport, soutenu le renforcement de la place du généraliste avant, pendant et après le traitement et sa rémunération pour des consultations dédiées. Et il étonnant aussi que Marisol Touraine habituellement plus proche de la profession, n’ait visiblement pas eu son mot à dire. Est ce pour des raisons idéologiques ? Ou financières ? Ou, plus simplement, politiques ? Car le gouvernement a besoin de montrer aux Français qu’il se soucie d’eux avant tout.

Dr Linda Sitruk, rédactrice en chef

Source : lequotidiendumedecin.fr