Depuis quelques années, les pénuries et tensions d'approvisionnement de médicaments se font de plus en plus nombreuses. Alors qu'elle vient de publier une étude « accablante sur l'étendue des pénuries de médicaments, ainsi que la responsabilité des laboratoires et des pouvoirs publics », l'UFC-Que Choisir réclame « une série de mesures ambitieuses destinée à mettre un coup d'arrêt » à ce phénomène.
Dans les heures qui ont suivi la publication du communiqué d'UFC-Que Choisir, les entreprises du médicament, représentées par le Leem, ont répondu aux critiques émises par l'association des consommateurs sur la gestion de ces pénuries.
Des tensions d'approvisionnements multipliées par 3 en 3 ans !
L'UFC-Que Choisir alerte sur la forte croissance de ces tensions d'approvisionnement, passant de 405 pénuries en 2016 à presque trois fois plus en 2019. En 2020, 2 400 ruptures devraient être constatées, « six fois plus qu'il y a quatre ans », note l'étude, citant l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette situation est jugée d'autant plus alarmante que ces pénuries concernent des médicaments dits d'intérêt thérapeutique majeur (MITM).
Faux répond le Leem : « il n’y a pas d’explosion des ruptures d’approvisionnement. Le système français a amélioré sa capacité d’anticipation des tensions d’approvisionnement en instaurant un signalement plus précoce des situations à risque à l’ANSM à partir de 2016, ce qui se traduit par un gonflement statistique par rapport à la période antérieure ».
Si le Leem admet que les entreprises du médicament sont en partie responsables de ces problèmes de pénurie, il insiste sur le fait que les origines sont plurifactorielles (augmentation et fluctuations imprévues de la demande mondiale en médicaments, insuffisance de l'approvisionnement en matière première ou défaut de qualité des processus de production...) comme l'avaient expliqué les rapports Biot en 2020, la mission d'information du Sénat en 2018, etc.
La réponse des industriels du médicament pas à la hauteur ?
UFC-Que Choisir déplore que les laboratoires pharmaceutiques apportent des solutions « rarement à la hauteur des enjeux sanitaires », d'après l'analyse faite par cette association de 67 lettres de laboratoires, adressées aux professionnels de santé à la suite d’une rupture de stock, et disponibles sur le site de l’ANSM en juillet 2020. Ainsi d'après UFC-Que Choisir, dans 30 % des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, alors que « les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés ». Dans 12 % des cas, les industriels orientent « vers des solutions de derniers recours, comme la diminution de la posologie ». Et dans près d'un cas sur cinq (18 %), les laboratoires « ne proposent tout simplement aucune solution de substitution ».
Des pénuries de vieux médicaments peu onéreux
Par ailleurs, l'association de consommateurs souligne que ces pénuries ne touchent que rarement les molécules récentes les plus onéreuses. Sur la liste des 140 médicaments signalés en rupture de stock et en tension d'approvisionnement par l'ANSM au 15 juillet 2020, les médicaments indisponibles sont prioritairement des produits anciens (75 % sont commercialisés depuis plus de 20 ans) et peu coûteux (les trois quarts coûtant moins de 25 euros).
« Cette affirmation témoigne d’une méconnaissance manifeste de la réalité de notre secteur, rétorque le Leem. Les entreprises qui fabriquent les produits les plus anciens ne sont souvent pas les mêmes que celles qui découvrent et fabriquent les médicaments les plus innovants ». Les représentants de l'industrie pharmaceutique ajoutent quand « une entreprise souhaite arrêter la commercialisation d’un médicament, elle a l’obligation d’en informer au moins un an avant les autorités de santé ».
UFC-Que Choisir déplore également la réponse des pouvoirs publics, notant que seules deux sanctions pour des montants de 830 euros et 5 807 euros ont été prononcées par l'ANSM pour rupture de stock contre des laboratoires en 2019.
Des mesures fortes déjà en place ?
Face à ce constat, UFC-Que Choisir plaide pour plusieurs mesures fortes, dont l'obligation pour les laboratoires de constituer « des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l'ensemble des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ». Elle réclame par ailleurs le développement d'une production publique de médicaments, « à même d'assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires ».
Le Leem répond que depuis la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020, trois nouvelles obligations à la charge des entreprises du médicament ont été instaurées : l'obligation de la constituer un stock de sécurité (jusqu'à 4 mois de couverture des besoins sur décision du directeur de l'ANSM) ; d'importer les médicaments risquant de manquer ; de mettre en place un plan de gestion des pénuries pour tous les médicaments MITM.
(avec l'AFP)
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