Entre 12 et 25 % des diabétiques – de type 1 comme de type 2 – présenteront un « pied diabétique » au cours de leur vie, avec un risque d’amputation multiplié par 25 par rapport aux personnes non diabétiques. Des progrès majeurs ont été faits dans les soins, mais on est encore loin d’avoir atteint l’objectif de réduction du taux d’amputations d’au moins 50 % défini par l'OMS et la Fédération internationale du diabète. Les nouvelles recommandations internationales* – détaillées lors des dernières journées Cicatrisations (Paris, 26-28 janvier 2020) – et un parcours de soin plus fluide pourraient permettre de s’en approcher.
L’artérite intégrée à l’évaluation du risque podologique
La gradation du risque du pied diabétique est l’étape indispensable avant toute démarche d’éducation thérapeutique ou de soins. Dans ses nouvelles recommandations de 2019, l’International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF) propose une nouvelle classification du risque qui tend à élargir le spectre des patients à risque. Le grade 0 (ni artériopathie oblitérante des membres inférieurs – AOMI – ni neuropathie) n’est pas modifié. À noter que la neuropathie est mieux définie par la perte de sensibilité et pas seulement par les douleurs. Le grade 1 est modifié puisqu’il ne correspond plus seulement à une perte de sensibilité périphérique mais aussi à une AOMI, une étude ayant montré que l’artériopathie isolée, sans neuropathie associée, expose à un très haut risque de faire un ulcère artériel. Le grade 2, pour lequel le risque d’ulcération à un an est de 13,7 % et celui d’amputation de 3,7 %, inclut maintenant non seulement la perte de sensibilité associée à des déformations (qui aggrave le risque de blessures) et la neuropathie associée à l’AOMI, mais aussi l’AOMI associée à des déformations du pied. Enfin, le grade 3, où le risque de nouvelle plaie du pied dans l’année est de 31,8 % et d’amputation de 20 %, concerne les patients qui ont déjà un antécédent de plaie ou d’amputation, mais aussi désormais les patients sous dialyse, même en l’absence d’antécédents de plaies. Une discussion est en cours actuellement avec la HAS et la CNAM pour que les « nouveaux » patients désormais classés en grades 2 et 3 (comme les artéritiques ou les dialysés) bénéficient en France des mêmes parcours de soins que les classiques grades 2 et 3.
Prévenir les plaies
La prévention des plaies du pied diabétique suppose de prévenir la neuropathie – qui est un des premiers facteurs de risque – par le contrôle de l’équilibre glycémique mais aussi d’éviter les blessures. « La plupart des plaies surviennent pour des traumatismes, souvent minimes, que soignants et patients doivent savoir reconnaître sur des signes très évocateurs et rechercher sur les zones à risque : rougeurs, phlyctènes, pathologies unguéales, malformations, hyperpression avec hyperkératose. Tous ces signes d'alerte annonçent un risque de spirale de complications pouvant mener à l'infection puis l'amputation », alerte Véronique Labbe-Gentils, pédicure-podologue (Rosny-sous-Bois).
Les patients dont le risque de plaie diabétique est de grade 2 ou 3 doivent bénéficier d’une surveillance plus soutenue et disposent d’un forfait de soins podologiques, mais on est encore loin du parcours de soins idéal, avec un déficit flagrant dans le dépistage et l’orientation des patients. « Ainsi, l’incidence des plaies du pied est en constante augmentation, le dépistage des pieds à risque faisant souvent défaut », déplore le Pr Ariane Sultan, diabétologue (Montpellier). En pratique, les patients à risque n’ont pas toujours facilement accès sans frais aux soins podologiques, et le reste à charge des semelles sur mesure reste encore trop élevé, y compris en cas de neuropathie.
Assouplir le parcours de soins
En cas de plaie avérée, la HAS préconisait, il y a une dizaine d’années, d’adresser à un centre expert toute plaie du pied diabétique dans les 48/72 heures, ce qui était inapplicable… et est resté inappliqué. Des experts européens de l’association D-Foot International ont proposé un parcours de soins plus simple et adapté à chaque pays, fonction du contexte et de la typologie de la plaie. Les plaies graves avec fièvre, abcès, gangrène, etc., constituent des urgences absolues. Une plaie complexe, un patient socialement isolé, dont les pouls ne sont pas bien perçus, doit toujours recevoir un avis d’expert dans les 48/72 heures, mais celui-ci peut être envisagé par télémédecine. « Par contre, en cas de plaie simple, chez un patient bien entouré, il est licite de l’adresser à un professionnel local de référence et de le prendre en charge pendant deux semaines avant de demander un avis d’expert visuel… ou virtuel », explique le Pr Agnès Hartemann, diabétologue (Paris). Toute la difficulté pour les médecins traitants, les infirmières ou les podologues est d’identifier les ressources expertes locales et de pouvoir entrer en contact immédiatement avec elles.
L’enquête menée par l’équipe mobile Plaies et cicatrisation du CHU de Melun auprès des médecins traitants, afin de mieux connaître leurs pratiques et leurs difficultés en matière de prise en charge du pied diabétique, dresse un constat proche. Selon ce travail, la plupart des médecins examinent les pieds de leurs patients diabétiques au moins une fois par an, mais 21 % ne cherchent pas la neuropathie, et seulement 43 % gradent le risque podologique. L’état artériel est évalué cliniquement (9 % laissent le diabétologue s’en charger), les écho-doppler sont demandés dans 41 % des cas ; 41 % suivent les recommandations pour la prescription des séances de pédicurie-podologie et 20 % prescrivent une décharge de la plaie. Outre le manque de connaissance des recommandations (30 %) ou de la gradation (31 %), les médecins traitants se plaignent surtout du manque de communication avec le pédicure-podologue ainsi qu’avec les centres spécialisés, auprès desquels il est souvent difficile d’adresser le patient en consultation.
* IWGDF, Practical guidelines on the prevention and management of diabetic foot disease, 2019
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