Alors que plusieurs expériences de xénotransplantation de rein, de cœur et de foie de porcs transgéniques aux États-Unis et en Chine ont montré des « résultats encourageants » et que deux essais cliniques ont été autorisés par la Food and Drug Administration (FDA), l’Académie de médecine appelle à la mise en place « d’urgence » d’un plan xénogreffes afin d’éviter un décrochage de la France et de l’Europe. Un plan aiderait à faire émerger des acteurs locaux pour la production de xénogreffons.
Si des obstacles immunologiques, infectieux, physiologiques, réglementaires, éthiques et sociétaux persistent avant de pouvoir envisager la xénogreffe comme alternative « réelle » à l’allogreffe, ils « sont tous surmontables », explique-t-elle. Surtout, des équipes françaises possèdent des « atouts » dans ces domaines et une expérience dans les biotechnologies adaptées à la production de xénogreffons porcins.
Fort de ses constats, un groupe de travail de l’Académie a identifié les étapes à franchir pour développer cette innovation de rupture en France. Ses recommandations sont détaillées dans un rapport publié le 6 mai.
Investir « massivement » dans la recherche
La première est d’investir « massivement de manière urgente et coordonnée » dans la recherche, en particulier pour l’identification des mécanismes des rejets (reconnaissance des antigènes d’histocompatibilité SLA des porcs) mais aussi en sciences humaines. La France dispose dans ce domaine d’une expertise reconnue à l’international, rappelle l’Académie : « les résultats clés des études multimodales des greffons porcins, effectuées en France, ont permis de caractériser de nouveaux types de rejets et de définir de nouvelles modifications génétiques et de nouvelles pistes thérapeutiques », est-il précisé.
L’enjeu est aussi de développer en France et en Europe des modèles de porcs transgéniques, à partir des avancées immunologiques, et en parallèle des fermes dites pharmaceutiques pour l’élevage, afin de fournir des organes dans des conditions compatibles avec une prise en charge par l’assurance-maladie. « Un coût hypothétique de quelques dizaines de milliers d’euros [par organe, NDLR], par exemple 50 000 euros, représenterait 50 millions d’euros pour 1 000 patients insuffisants rénaux greffés, ce qui semble supportable en comparaison des plus de 4 milliards d’euros de l’insuffisance rénale terminale », est-il indiqué.
Lever dès maintenant les obstacles réglementaires et sociétaux
L’Académie encourage enfin à se pencher « dès à présent » sur les dispositions réglementaires permettant d’utiliser chez l’homme des organes et tissus (îlots, cornées, valves…) issus de porcs transgéniques. Actuellement définie par la loi 1998-535 de renforcement de la sécurité sanitaire dans le cadre de recherches biomédicales, la pratique des xénogreffes réclame un nouveau cadre, dont les conditions relèvent de différentes agences (Agence de biomédecine, Agence de sécurité du médicament, etc.) et ministères (Santé, Enseignement supérieur et Recherche, Agriculture, Intérieur…). Restera alors à réfléchir aux questions éthiques et sociétales, afin que, dans un contexte de pénurie d’allogreffons, l’utilisation de xénogreffons « soit une chance nouvelle pour les patients et soit bien comprise de la population ».
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