S’il est « illusoire d’imaginer éradiquer le cancer, nous pouvons transformer radicalement son impact en termes de santé publique dans l'avenir ». C’est par ces mots que le président du directoire de l’Institut Curie, le Pr Alain Puisieux, nommé en mai 2024, a commencé la présentation jeudi 12 septembre de son ambition pour le futur de la recherche et du soin à l’institut.
« L’évolution de la qualité des traitements nous permet aujourd’hui de guérir plus de 65 % des cancers, contre moins de 50 % dans les années 1970. Nous avons le potentiel de faire encore mieux ! », défend le Pr Puisieux. Innover, personnaliser toujours plus les traitements, accompagner le patient dans son parcours de soins, améliorer la prévention : pour arriver à « un monde sans cancers incurables », tels sont les axes principaux de la feuille de route, qui s’inscrit dans le Plan stratégique Curie 2030 – Espoirs contre le cancer.
Une recherche fondamentale guidée par la curiosité
Pour le Pr Alain Puisieux, l’une des forces de l’institut repose sur les donateurs qui composent 35 % des financements des centres de recherche, soit à peu près autant que le Conseil européen de la recherche (ERC). « Ce n’est pas juste une fraction d’un budget global. Les dons nous offrent une liberté de recherche pour faire émerger des projets auxquels nous croyons, défend le président du directoire. Il est temps de remédier à la perte de crédit sur les sciences biologiques de notre pays et de garantir la souveraineté sanitaire du pays. Nous soutenons une recherche fondamentale guidée par la curiosité. » Le Pr Puisieux ne sait pas quelle sera la prochaine découverte marquante mais il est certain d’une chose : « Elle viendra de l’esprit de scientifiques curieux, dans un environnement stimulant, propice à la prise de risques. »
Les dons nous offrent une liberté de recherche pour faire émerger des projets auxquels nous croyons
Pr Alain Puisieux, président du directoire de l’Institut Curie
L’exemple le plus parlant de l’approche promue par l’institut : la thérapie flash. Née d’une recherche fondamentale désintéressée, visant simplement à observer les mécanismes de réparation de l’ADN, elle est devenue une technologie innovante en oncologie. Curie continue donc sur sa lancée avec des travaux visant à bloquer les capacités d’adaptation des cellules cancéreuses et les étapes clés de la progression de la maladie. Alain Puisieux soutient notamment un projet d’unité interdisciplinaire autour de la chemical biology qui doit bientôt être mis en œuvre.
L’Institut Curie annonce aussi investir 10 millions d’euros d’ici à 4 ans dans les nouvelles technologies : imagerie, approches en cellule unique et analyses dites « spatiales ». À travers cette optimisation de leur centre de recherche, le directoire souhaite caractériser de manière approfondie la tumeur et son environnement afin d’identifier de nouveaux points de vulnérabilité des cellules cancéreuses.
De la génétique au parcours patient
L’Institut Curie se mobilise pour placer le patient au cœur du dispositif de prise en charge du cancer, sur toute la durée du parcours de soins et sur tous les plans (thérapeutique, soins de support, accompagnement). La personnalisation des traitements, un sujet clé pour l’institut, commence dès l’analyse génétique et moléculaire de la tumeur. L’objectif est de généraliser la médecine de précision en cancérologie, qui permet de prédire la réponse au traitement.
Pour ce faire, l’institut mise sur l’intelligence artificielle (IA), par exemple pour identifier de nouveaux biomarqueurs, établir un diagnostic et un pronostic à partir d’imageries de pointe ou encore personnaliser les traitements. L’IA devrait permettre d’imaginer de nouvelles molécules à partir de données multiomiques (génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique…), multi-échelles (cellule, tissu, individu) et multimodales (moléculaires, cliniques et sciences humaines et sociales).
L’institut investit le champ de la théranostique, cette stratégie qui combine la thérapeutique et le diagnostic. La mise en service en 2025 d’une IRM Linac couplée à l’IA permettra une radiothérapie adaptative et individualisée. Quant à la dimension sociale, l’institut soutient l’intégration de l’avis des patients, des proches et des aidants dans les réflexions sur les principales étapes des parcours de soins et de la recherche.
La prévention, un levier aussi important que la guérison
L’Institut considère la prévention comme un enjeu clé pour faire face aux défis que représentent les cancers. Au sein de 35 millions de nouveaux cas estimés pour 2050 dans le monde, soit une progression de 77 % par rapport à 2022, ce n’est pas moins de 40 % des cancers qui sont évitables.
Là encore, c’est à l’aide de démarches personnalisées que l’Institut Curie espère prévenir non seulement la survenue des cancers mais aussi les effets secondaires et les rechutes. Coralie Chevallier, docteure en sciences cognitives et l’une des trois membres du directoire de l’Institut Curie, met en avant la compréhension plus large de l’origine des cancers : moléculaire, génétique, environnementale, comportementale jusque dans les croyances en santé. « C’est valable pour les cancers mais aussi de manière générale. La moitié des années de vie en bonne santé sont perdues pour des raisons comportementales », se désole-t-elle. À l’instar de l’IHU des cancers des femmes qui promeut cet état d’esprit, un large programme de prévention sera prochainement déployé par Curie.
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