L’alimentation permettrait-elle de lutter contre la migraine ? C’est ce que suggère une étude randomisée américaine publiée dans le British Medical Journal (BMJ), selon laquelle une alimentation enrichie en acides gras oméga 3 (n-3) et appauvrie en acides gras oméga 6 (n-6) pourraient contribuer à réduire les douleurs.
« Les acides gras n-3 et n-6 sont des composants majeurs des tissus impliqués dans la pathogenèse de la migraine, où ils servent de précurseurs à plusieurs familles de médiateurs lipidiques bioactifs qui régulent la douleur […] collectivement appelés oxylipines », rappellent les auteurs de l’étude. Plus précisément, on sait que des oxylipines dérivées d’oméga 6 tels que l’acide arachidonique ou l’acide linoléique présentent des propriétés pronociceptives. Au contraire, il a été montré que des médiateurs dérivés d’oméga 3 comme l’acide eicosapentaénoïque (EPA) ou l’acide docosahexaénoïque (DHA) ont des effets antinociceptifs. Ainsi les chercheurs se sont demandé si une augmentation des apports d'oméga 3 et une réduction des apports d'oméga 6 pouvaient modifier l’équilibre entre les oxylipines circulantes en faveur des médiateurs antalgiques et avoir un effet clinique bénéfique sur la migraine.
Pour répondre, les auteurs ont recruté 182 sujets souffrant de migraines et leur ont proposé de se soumettre pendant 16 semaines - sans abandonner leur traitement habituel - soit à un régime uniquement enrichi en oméga 3 (EPA et DHA), soit à un régime à la fois enrichi en oméga-3 et appauvri en oméga-6 (acide linoléique), soit à un régime témoin. De plus, il a été demandé aux volontaires de répondre à l’auto-questionnaire HIT-6 d’évaluation de l’impact de leurs maux de tête sur leur qualité de vie, de renseigner quotidiennement un journal précisant la fréquence de leurs céphalées et leurs prises de médicaments, et de réaliser des prélèvements sanguins.
Des effets sur la concentration des oxylipines circulantes
Résultat : au niveau biochimique, les régimes proposés ont bien modifié l’équilibre entre oxylipines pronociceptives et médiateurs antinociceptifs circulants.
De fait, les auteurs rapportent qu’après 16 semaines, les deux régimes enrichis en oméga 3 se sont soldés par une augmentation des concentrations des dérivés antalgiques du DHA (notamment du 17-HDHA).
En outre, ils ont aussi provoqué une diminution de la teneur en acide arachidonique (précurseur des prostaglandines, pronociceptives) des hématies, voire une diminution du 5-HETE (marqueur de la conversion de l’acide arachidonique en leucotriènes également pronociceptifs). Étonnamment, aucune réduction directe des dérivés de l’acide linoléique et de l’acide arachidonique impliqués dans la douleur (prostaglandine E2, leucotriène B4, etc.) n’a toutefois été retrouvée.
Des effets cliniques à confirmer
À ces modifications de l’équilibre biochimique entre molécules pronociceptives et molécules antinociceptives correspondent également des résultats cliniques encourageants.
En effet, dans leurs journaux de migraine, les participants des bras interventionnels ont bien rapporté une diminution de la fréquence et de la gravité de leurs céphalées. Des améliorations encore plus marquées chez les patients qui ont bénéficié d’une réduction de leurs apports en oméga 6 – qui ont signalé, à la fin de l’expérimentation, quatre jours de maux de tête par mois de moins que les participants du groupe témoin, et même deux jours de céphalées par mois de moins que ceux ayant seulement reçu plus d’oméga 3. Des résultats qui confirment, aux yeux des auteurs, « un bénéfice supplémentaire de la réduction de l'acide linoléique n-6 alimentaire ».
Par ailleurs, l’analyse des journaux des participants qui ont bénéficié des deux régimes suggère une diminution des consommations de médicaments. Un constat qui, au-delà de son intérêt clinique, « soutient les mécanismes biochimiques proposés, car les AINS inhibent la conversion de l’acide arachidonique n-6 en prostaglandines E2 ».
Cependant, bien que les sujets des bras interventionnels aient aussi vu leur score HIT-6 s’améliorer entre le début et la fin de l’étude, cette évolution n’apparaissait « pas statistiquement significative ». Cela pourrait s’expliquer par le recours à l'auto-évaluation plutôt qu'à une mesure plus spécifique de la douleur, par une durée trop courte de l’étude, ou encore par une réduction pas tout à fait suffisante des apports en acide linoléique. Autant de facteurs et d'hypothèses qui appellent à réaliser plus d’études au sujet de l'effet des acides gras alimentaires sur la migraine.
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