Une antibiothérapie de 3 jours peut-elle suffire à traiter une pneumonie aiguë communautaire (PAC) ? Une étude française publiée dans le Lancet s’est penchée sur cette question et tend à répondre par l’affirmative, du moins pour certains patients.
Mené par le groupe d’étude « Pneumonie traitement court », sous la houlette du Dr Aurélien Dinh, (hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP / Université Paris-Saclay), cet essai de non-infériorité a porté sur des patients hospitalisés pour pneumonies aiguës communautaires modérées à sévères, dans 16 établissements français (âge moyen 73 ans). Après trois jours de traitement par bêta-lactamine (association amoxicilline + acide clavulanique ou céphalosporine de 3e génération), ceux dont l’état était jugé stable (FC < 100, FR < 24, Sat O2 > 90, PAS > 90 mm Hg et apyrexie) ont été randomisés pour poursuivre l’antibiothérapie pendant 5 jours supplémentaires (n = 153) ou recevoir un placebo (n = 157).
À J15, le taux de guérison (définie par l’apyrexie, la disparition ou l’amélioration des symptômes respiratoires et l’absence de toute autre prise d’antibiotique quelle qu’en soit la cause) s’est avéré comparable dans les deux groupes (68 % dans le bras traitement vs 77 % sous placebo en ITT). Cette non-infériorité a aussi été retrouvée à J30 (critère secondaire) ainsi que dans les groupes à haut risque d’échec : patients âgés et patients souffrant d’une pneumonie sévère.
En d’autres termes, chez des patients cliniquement stables, une antibiothérapie de seulement 72 heures fait aussi bien qu’une cure de 8 jours.
Individualisation
Pour les auteurs, ces données « confortent le concept selon laquelle l’antibiothérapie pourrait être interrompue en toute sécurité, chez des patients atteints de pneumonie communautaire modérée à sévère et ayant une réponse clinique précoce au traitement ». L’idée « c’est finalement d’individualiser la durée de traitement sur la réponse clinique, poursuit le Dr Dinh, avec une règle générale consistant à stopper le traitement quand les critères de stabilité sont atteints ».
En 2006, une étude hollandaise avait déjà suggéré qu’une antibiothérapie de 72 heures pouvait suffire à traiter certaines pneumonies, mais dans une population de patients peu sévères et plus jeunes, peu représentatifs des patients rencontrés en vie réelle.
Ces nouveaux résultats « pourraient amener à revoir les recommandations actuelles et faire évoluer les pratiques cliniques », estiment les auteurs. En France, les guidelines actuelles préconisent un traitement de 5 à 7 jours. Mais dans la pratique, « 70 % des antibiothérapies sont poursuivies plus de 7 jours avec une durée moyenne de 9,5 jours ».
Reste à savoir, si ces résultats sont transposables en ville. « Globalement qui peut le plus peut le moins, estime le Dr Dinh, et on peut penser que si cela marche pour le patient hospitalisé de 73 ans avec comorbidités, cela fonctionne d’autant mieux en ville chez le sujet jeune non comorbide, même si cela n’a pas été démontré ».
En revanche, l’évaluation de la réponse au traitement et de la stabilité clinique permettant de lever l’antibiothérapie peut être plus compliquée chez un patient à domicile. Alors que la télémédecine est en plein essor, « on pourrait imaginer qu’avec les objets connectés, le patient puisse mesurer ces paramètres et les transmettre à une plateforme en vue d’arrêter le traitement dès qu’il obtient les critères de stabilité ». Une stratégie qui devrait être évaluée dans une prochaine étude, indique l’infectiologue.
Un levier pour lutter contre l’antibiorésistance ?
La volonté de réduire la durée des antibiothérapies n’est pas nouvelle. Déjà en 2015, le rapport Carlet pour la préservation des antibiotiques avait évoqué la question en proposant de « limiter la durée de la première prescription d’antibiotiques à 7 jours ». En 2016, la HAS a publié des fiches mémos entérinant des durées de traitement maximum de 7 jours pour différentes infections fréquentes. Enfin, tout récemment, la Spilf et le GPIP viennent de proposer de nouvelles recommandations optimisant les durées des traitements anti-infectieux.
L’ espoir est de pouvoir limiter les consommations d’antibiotiques et lutter ainsi contre l’antibiorésistance. « Si l’impact de la durée de l’antibiothérapie sur l’apparition de résistances n’a encore été démontré sur le plan clinique, il a été mis en évidence de façon épidémiologique et biologique », explique le Dr Dihn. Un bénéfice peut aussi être escompté en termes d’effets secondaires et de coût.
Pour autant, même si la tendance est au traitement court, « cela doit être réservé aux indications démontrées ». Ce d’autant que l’exercice a montré ses limites dans certaines situations. Par exemple, « un essai dans l’otite de l’enfant publié dans le NEJM, a montré qu’il y avait davantage de récidives avec 5 jours de traitement qu’avec 10 ».
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