LE QUOTIDIEN : Quelles sont les motivations à l’origine du communiqué de la SFPT intitulé « Stop au harcèlement des scientifiques et à la mise en danger de la santé publique » ?
Pr Dominique Deplanque : Ce n’est pas la première réaction de la SFPT sur le dossier de l’hydroxychloroquine (HCQ). Au printemps dernier, nous avions déjà coordonné une tribune pour réclamer une réaction des autorités face aux dérives de la mauvaise recherche pratiquée au sein de l’IHU de Marseille. À l’époque, une étude sur les 30 000 patients pris en charge à l’IHU venait d’être publiée en préprint.
Si la situation est un peu différente aujourd’hui, le sujet de fond reste le même. Des collègues, tous ou presque membres des Hospices civils de Lyon ou de l’Université de Lyon et de la SFPT, spécialistes de la thérapeutique, ont publié une version complète de leurs résultats présentés au congrès de la SFPT en 2022. Déjà, à l’époque, des réactions sur les réseaux sociaux mettaient en cause la qualité et la pertinence de ce travail.
La publication dans une revue scientifique a relancé la machine à dénigrement, notamment sur les réseaux sociaux, mais pas seulement. Un blog a incité ses lecteurs à envoyer leurs questions directement au coordonnateur de cet article scientifique en donnant en pâture son nom et ses coordonnées. Sa boîte mail professionnelle a été submergée de messages. Quelques questions ont une « allure » scientifique, mais de très nombreux courriers se résument à des menaces et du harcèlement.
Dans ce contexte, la SFPT se devait d’essayer de protéger à la fois le travail scientifique mais aussi plusieurs de ses membres qui font l’objet d’attaques injustes, pour ne pas dire complètement délirantes. Face à une situation très difficile à vivre sur le plan personnel, la SFPT voulait afficher son soutien.
Votre communiqué déplore une forme de dévoiement du débat scientifique…
Tout à fait. Il est normal et légitime de contester une publication scientifique, à condition que ce soit dans les conditions habituelles de l’édition scientifique. Les revues qui publient les articles en endossent pour partie le contenu. Ce dernier fait l’objet d’une révision par des scientifiques indépendants. Et toutes les revues sont ouvertes à la discussion, à partir du moment cela s’inscrit dans le cadre prévu.
Si la critique est pertinente, tout un chacun peut adresser des commentaires et des questions aux éditeurs, qui les rapportent ensuite aux responsables des études. S’engage alors un échange entre chercheurs, qui est bien souvent retranscrit par les revues. Ce système fonctionne car il permet un dialogue scientifique entre personnes compétentes dans un champ disciplinaire donné. Surtout, les questions et les interrogations sont étayées par des éléments ou des arguments scientifiques pertinents et avérés.
Au contraire, les réactions suscitées par la publication sur l’HCQ relèvent de la croyance, de la contestation et de la remise en cause systématique sans maîtrise des éléments présentés.
Quelle réaction attendez-vous des autorités, que ce soit du ministère de la santé, de celui de l’enseignement supérieur et de la recherche ou du conseil de l’Ordre des médecins ?
L’espoir est que soit renouvelé le soutien aux chercheurs et aux médecins attaqués. Les ministères concernés pourraient apporter leur appui aux personnels qui travaillent sur des sujets sensibles. S’ils ne peuvent prononcer des sanctions contre les responsables du harcèlement, l’enjeu est d’abord la protection des victimes d’un opprobre public absolument intolérable.
De son côté, l’Ordre pourrait réagir a minima en rappelant les bonnes pratiques de la communication entre médecins et dans le domaine scientifique. Il pourrait se mouiller un peu. D’autant qu’on assiste à une évolution inquiétante, résultant du développement de certains réseaux sociaux qui, malgré l’intention initiale de partage d’informations, relaient la haine et le mépris. Nous sommes plongés dans un système où des personnes qui savent manier des informations non étayées alimentent la peur et l’inquiétude. Au-delà des conséquences sur les destinataires qui reçoivent les messages violents, on peut être inquiet pour la santé publique avec le risque d’installer une défiance accrue dans la parole scientifique et médicale.
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