Devant des marqueurs tumoraux et une biopsie de l’épiploon positives, les médecins ont suspecté un cancer chez une femme de 47 ans présentant des douleurs abdominales depuis trois mois. Après exploration paraclinique, l’oncologue n’est cependant pas parvenu à identifier le site primitif du cancer. Le profilage moléculaire, quant à lui, ne lui a pas non plus permis de déterminer le tissu d’origine. Ainsi, le Pr Kanwal Raghav du Centre de cancérologie Anderson (Houston, Texas), qui rapporte ce cas de cancer primitif inconnu dans The New England Journal of Medicine, fait un état des lieux des stratégies possibles, ainsi que des recommandations existantes sur le sujet, et propose un schéma de prise en charge de la patiente.
Cas clinique
La femme de 47 ans présentait des ballonnements abdominaux associés à un inconfort, qui s’étaient aggravés sur une période de trois mois. À l’examen, les cliniciens retrouvent un abdomen distendu avec une ascite et le scanner révèle la présence de tumeurs dans le foie, les ganglions et le péritoine. La biologie retrouve une anémie normocytaire avec une hémoglobine à 10,4 g/dl, et des taux d’antigène CA 125 et d’antigène carcinoembryonnaire (ACE) élevés.
La patiente a été adressée à un oncologue qui, à la biopsie omentale, a retrouvé un carcinome peu différencié et une immunohistochimie positive pour CK20, CDX2 et SATB2. Le TEP-Scan a confirmé les métastases hépatiques, ganglionnaires et péritonéales, mais les autres examens paracliniques (colonoscopie, mammographie, fibroscopie digestive haute) n’ont pas permis de déterminer le site primitif.
État de l’art
« Le cancer de primitif inconnu est une entité qui évolue constamment et un des diagnostics les plus challengeant à gérer en oncologie », commente le Pr Kanwal Raghav, gastro-oncologue. L’expression « cancer de primitif inconnu » (cancer of unknown primary site) englobe un groupe diversifié de cancers confirmés histologiquement qui ont métastasé au moment du diagnostic et pour lesquels le site d'origine échappe à la détection malgré un bilan diagnostique.
Ces cancers représentent environ 2 à 4 % de tous les cancers, selon une étude publiée dans Cancer Epidemiology en 2019, et leur prévalence est estimée entre 2 et 15 cas pour 100 000 personnes-années. Ce sont souvent des adénocarcinomes (59 % des cas), des carcinomes indifférenciés ou peu différenciés ou des néoplasies (31 % des cas), ou des carcinomes squameux (9 %) ; et les métastases se trouvent fréquemment sur différents sites.
L’une des hypothèses les plus courantes est que la tumeur primitive s’accompagne d’une dissémination précoce et rapide de métastases tandis que la tumeur primaire reste de petite taille ou régresse passant ainsi inaperçue avec les méthodes diagnostiques contemporaines.
L’observation microscopique de la tumeur par immunophénotypage est l’examen le plus important, préférentiellement à partir d’une biopsie à l’aiguille, et possiblement additionné d’un profilage moléculaire. Ce dernier test permet d’identifier le potentiel site primitif et des altérations génomiques (profilage génomique), permettant de choisir une thérapie ciblée.
De manière générale, ces cancers sont traités, soit avec une chimiothérapie dite « empirique » à base de platine, soit avec un traitement spécifique au supposé site primaire. Mais la rareté de ces cancers et des recherches amplifie l'incertitude dans le traitement des patients. Deux essais cliniques multicentriques sont en cours pour comparer les deux stratégies, dont l’un mené par le Groupe d’étude français des carcinomes de site primitif inconnu. Les cancers de primitif inconnu peuvent être de pronostic favorable (environ 20 % des cas) quand les schémas métastatiques sont semblables à ceux de cancers connus, ou, dans la majorité des cas, de pronostic défavorable avec une survie faible.
Recommandations pour la patiente
Le Pr Raghav propose des recommandations pour le cas de la patiente, « largement concordantes avec celles des sociétés savantes ». « Je prendrais en charge ses soins en fonction du cancer putatif d'origine connue le plus probable compte tenu du phénotype et du génotype. L’immunophénotypage suggère un cancer primaire gastro-intestinal (cancer de type côlon de localisation primaire inconnue) sur la base de tests positifs pour CK20, CDX2 et SATB2, qui sont des immunomarquages utilisés pour les échantillons provenant du tractus gastro-intestinal inférieur », explique-t-il.
La spécialiste indique ainsi qu’il demanderait une nouvelle biopsie et des tests sanguins « pour un profilage génomique afin d'identifier les altérations pouvant être ciblées », citant par exemple dMMR, BRAF V600E, amplification d’HER2.
« Je recommanderais ensuite une chimiothérapie systémique palliative correspondant aux meilleurs traitements connus pour le cancer primaire présumé. Dans ce cas, j'utiliserais le fluorouracil (plus leucovorine), l'oxaliplatine et l'irinotécan (Folfoxiri), en m'appuyant sur les données soutenant le rôle de la chimiothérapie cytotoxique triplet dans le cancer colorectal métastatique », explique-t-il ainsi. Et l’oncologue de conseiller une orientation vers un centre doté d’un programme multidisciplinaire sur le cancer de primitif inconnu et de lui proposer de participer à un essai clinique.
L’ovéporexton, une nouvelle molécule efficace dans la narcolepsie de type 1
Handicap sévère et adolescence : une délicate transition à anticiper
IHU Méditerranée Infection : des progrès notables mais insuffisants, selon le Hcéres
Chikungunya : l’épidémie en baisse à La Réunion, nouvelle phase du plan Orsec à Mayotte