Après les jambes, un tétraplégique pourra-t-il recouvrer l'usage de ses bras, mains et doigts grâce à une interface cerveau-machine ? C'est ce que testent deux entreprises, l'une française, CEA-Clinatech, l'autre néerlandaise, Onward, au centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne, en Suisse, en couplant un implant cérébral à un implant stimulant la moelle épinière, a annoncé ce 27 septembre Onward.
La combinaison de ces deux technologies avait déjà permis à un patient paraplégique de retrouver un contrôle naturel de la marche par la pensée, une avancée qui avait fait l'objet d'une publication dans la revue scientifique Nature en mai.
Mais c'est la première fois que cette double technique est employée pour les membres supérieurs. « La mobilité du bras est plus complexe », explique la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, qui a réalisé les opérations d’implantation. Même si par rapport à la marche, le problème de l'équilibre ne se pose pas ici, « la musculature de la main est assez fine, avec plein de petits muscles différents qui sont activés en même temps pour certains mouvements », ajoute la Pr Bloch.
Deux opérations
Le patient, qui souhaite rester anonyme, est un homme suisse de 46 ans ayant perdu l'usage de ses bras après une chute. Deux opérations ont eu lieu le mois dernier au CHUV de Lausanne.
La première a permis de placer l'implant cérébral de quelques centimètres de diamètre, développé par l'organisation française CEA-Clinatech, à la surface du cortex. La deuxième intervention a servi à placer les électrodes du neurostimulateur développé par Onward dans la moelle épinière, au niveau cervical ; elles sont reliées à un petit boîtier implanté dans l'abdomen.
L'implant cérébral (ou interface cerveau-machine, ICM) enregistre les régions du cerveau qui s'activent lorsque le patient réfléchit à un mouvement, et les communique aux électrodes. Une sorte de pont digital.
« Ça se passe bien pour l'instant », décrit la Pr Jocelyne Bloch, qui a co-fondé Onward et reste consultante pour l'entreprise. « On arrive à enregistrer l'activité cérébrale, et on sait que la stimulation marche. (...) Mais il est trop tôt pour parler de ce qu'il a fait comme progrès, ce qu'il est capable de faire maintenant. »
Commercialisation espérée « d'ici la fin de la décennie »
Le patient est en phase d'entraînement, pour s'assurer que l'implant cérébral reconnaît bien les différents mouvements souhaités. Les gestes perdus devront être ensuite maintes fois répétés avant de pouvoir devenir naturels. Le processus prendra « quelques mois », selon la Pr Bloch.
Deux autres patients doivent participer à cet essai. Les résultats complets seront publiés ultérieurement.
Des stimulations de la moelle épinière ont déjà été utilisées par le passé pour réussir à faire bouger le bras de patients paralysés, mais sans couplage avec un implant cérébral. Et des implants cérébraux ont déjà été utilisés pour qu'un patient puisse commander un exosquelette.
L'organisation Battelle s'est, quant à elle, servie d'un implant cérébral pour restaurer le mouvement dans le bras d'un patient -- mais équipé d'un manchon d'électrodes placé sur l'avant-bras, stimulant directement les muscles concernés.
« Onward est unique dans sa volonté de restaurer le mouvement par stimulation de la moelle épinière », couplée à un implant cérébral, a déclaré son dirigeant, Dave Marver. Selon lui, cette technologie pourrait être commercialisée « d'ici à la fin de la décennie ».
Le domaine des implants cérébraux est en plein essor, avec par ailleurs des sociétés comme Synchron ou Neuralink sur le créneau. Elles travaillent notamment à permettre à des patients paralysés de contrôler des ordinateurs par la pensée, leur redonnant par exemple la capacité d'écrire.
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