Plusieurs enquêtes l’avaient déjà laissé entendre, une étude publiée dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 14 février le confirme : suite à l’épidémie de Covid, la santé mentale des Français s’est nettement dégradée, avec notamment une hausse majeure des épisodes dépressifs chez les jeunes adultes.
Une augmentation des épisodes dépressifs « sans précédent »
L’étude du BEH repose sur les données du Baromètre 2021 de Santé publique France, réalisé auprès d'environ 25 000 Français de plus de 18 ans interrogés sur leur santé par téléphone. Les auteurs se sont intéressés à la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés (EDC) évaluée via un questionnaire dédié, puis l’ont comparée aux chiffres des baromètres précédents menés en 2005, 2010 et 2017.
Résultats : déjà amorcée depuis 2010, l’augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs « a connu une accélération sans précédent entre 2017 et 2021 en particulier chez les jeunes adultes », résument les auteurs.
En 2021, 13,3 %, des personnes âgées de 18 à 75 ans auraient ainsi vécu un EDC au cours des 12 derniers mois contre 9,8 % en 2017 soit une hausse de 36 % en 4 ans. « Cette augmentation concerne tous les segments de population analysés », précise le BEH. Cependant, la progression la plus importante a été observée chez les 18-24 ans. Dans cette tranche de la population, un jeune adulte sur cinq aurait vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois en 2021, soit une augmentation de près de 80 % par rapport au niveau observé en 2017.
Au-delà de l’âge, les femmes, les personnes vivant seules ou en familles monoparentales, celles peu aisées financièrement ou au chômage ou encore celles indiquant que le Covid-19 avait eu un impact négatif sur leur moral, avaient un risque d’EDC plus élevé.
Le Covid incriminé
Pour les auteurs, « le stress causé par la maladie du Covid-19 et les restrictions imposées pour la contrôler apparaît comme l’une des principales hypothèses explicatives de cette hausse ». Pour les plus jeunes, « ce qui a beaucoup joué, c'est l'incertitude par rapport à l'avenir, qui a une dimension très importante à cet âge-là : est-ce que je vais avoir mon diplôme ? Est-ce que je vais pouvoir suivre les cours ? », analyse Enguerrand du Roscoat, qui a cosigné l'étude et est spécialisé dans les questions de santé mentale au sein de Santé publique France. Interrogé par l'AFP, il pointe aussi le sentiment d'irréversibilité : « Ce que vous vivez entre 18 et 24 ans ce sont des choses qui ne se rattrapent pas a priori ». Le chercheur avance aussi d'autres hypothèses : la précarité financière, l'isolement dans des logements souvent minuscules, ainsi qu'une forme de culpabilité face à l'épidémie. « Les jeunes ont été un peu montrés du doigt comme voulant sortir, se contaminant d'avantage et constituant potentiellement un danger », relève M. Roscoat.
Un phénomène international
« Nos résultats apparaissent cohérents avec les données internationales », soulignent les auteurs. Selon une synthèse publiée dans le Lancet en octobre 2021, la prévalence des troubles dépressifs aurait augmenté au niveau mondial de 27,6 % en 2020, les populations les plus jeunes étant les plus concernées.
Lundi 13 février, les CDC américains ont pour leur part tiré la sonnette d'alarme face à des chiffres très préoccupants concernant la santé mentale des lycéens outre-atlantique, en particulier des jeunes filles. Près d'un tiers d'entre elles (30 %) aurait sérieusement envisagé de se suicider en 2021 (contre 19 % en 2011).
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