Une « multiplication » de mesures et de dispositifs, mais un manque d’« approche structurée et coordonnée » : les politiques publiques en faveur des jeunes manquent de transversalité, sont insuffisamment ciblées et ne permettent pas de réduire les inégalités éducatives, économiques ou territoriales, déplore la Cour des comptes dans son rapport public annuel, devenu thématique en 2022.
Le document, rendu public le 19 mars 2025 et rédigé avec l’appui d’une dizaine d’experts (dont le président de SOS Addictions, le Dr William Lowenstein, et le psychiatre Serge Tisseron) s’est penché sur les politiques publiques qui concernent les jeunes de 15 à 25 ans, soit environ 9 millions de personnes en France en 2024 (13,2 % de la population). Chaque année, 53,4 milliards d’euros de dépenses publiques (12 % du budget de l’État et 2 % du PIB) leur sont dédiés, un effort « très significatif », selon le président de la Cour, Pierre Moscovici.
Le rapport explore 16 domaines d’intervention, autant de « coups de sonde » selon Pierre Moscovici, destinés à évaluer l’efficacité des mesures adoptées. Quatre de ces « monographies » portent sur la prévention, à commencer par l’accès au sport. Chez les 15-25 ans, 79 % sont des sportifs réguliers, mais des « décrochages progressifs » s’opèrent et la pratique est divisée par 4 entre 15 et 25 ans, rapporte Pierre Moscovici.
Cibler les jeunes éloignés du sport
Alors que l’accès reste pénalisé par de « fortes disparités » liées au genre, au territoire ou à l’origine sociale, « les pouvoirs publics sont davantage financeurs que stratèges », tacle la Cour. Dans les territoires urbains, l’offre est « globalement saturée ». Et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les équipements « sont souvent peu diversifiés. » Dans le monde rural, les équipements « demeurent moins accessibles qu’ailleurs pour les jeunes dépourvus de moyens de transport ». L’approche est par ailleurs « dominée par la compétition », les politiques et moyens engagés ne profitant pas assez « aux jeunes éloignés du sport ».
Autre « coup de sonde » dans la lutte contre l’obésité à travers l’exemple de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. « Dans ces territoires, l’obésité des jeunes est liée à une alimentation moins équilibrée, à la sédentarité, à la précarité et à un environnement socio-économique et culturel aggravant », décrit le président de la Cour. En 2020, l’obésité concernait 38 % des adultes en Nouvelle-Calédonie et 48 % en Polynésie française, contre 15 % dans l’Hexagone. Dans ce domaine, la Cour recommande de développer la fiscalité comportementale et l’étiquetage nutritionnel, d’encadrer la vente de produits néfastes pour la santé dans les écoles et à leurs abords, et de favoriser la pratique sportive en aménageant des équipements en accès libre.
Parmi les dispositifs étudiés, les maisons des adolescents sont devenues « des acteurs incontournables » en première ligne dans un contexte de mal-être croissant des adolescents et de difficultés d’accès aux professionnels de la santé mentale. Les 123 structures du territoire accompagnent quelque 100 000 jeunes chaque année. Elles sont « bien identifiées », juge le président de la Cour, mais une évaluation scientifique reste à mener, suggère le rapport. Ces structures sont parfois contraintes de pallier les carences d’autres acteurs et les choix d’implantation « sont parfois discutables », est-il ajouté. La Cour encourage les pouvoirs publics à « clarifier leurs attentes » et à garantir « l’adéquation des moyens aux besoins de prévention dans les territoires ». Une fusion avec les Points accueil et écoute jeunes (PAEJ) est également mise sur la table.
Appel à un prix minimum de l’unité d’alcool pur
Quant aux politiques de prévention des addictions aux drogues illicites et à l’alcool, c’est un enjeu « crucial », alors qu’un jeune sur six s’estime dépendant et que 2,6 % des 15-25 ans déclarent une consommation quotidienne d’alcool. Mais les efforts de prévention ne sont « pas à la hauteur », regrette Pierre Moscovici, dénonçant un « manque de volontarisme ». Les campagnes ne ciblent pas suffisamment les jeunes, poursuit-il, citant les « exemples réussis dans les pays du Nord » et encourageant la mise en place d’un « prix minimum de l’unité d’alcool pur contenu dans chaque boisson ».
Plus globalement, la Cour des comptes appelle à plus de cohérence et d’efficacité dans les politiques dédiées à la jeunesse, en particulier « en les ciblant mieux » et en renforçant « la lisibilité des services publics », indique Pierre Moscovici. Il est par exemple « urgent d’élaborer une nouvelle stratégie nationale de lutte contre les addictions », instaurant « des objectifs ambitieux de réduction des risques, spécifiques aux jeunes », plaide-t-il.
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