La HAS a récemment recommandé le recours à l’oxymétre de pouls pour l’(auto)surveillance à domicile de certains patients covid à risque de formes graves. L’objectif est de pouvoir s’appuyer sur un critère plus fiable que le ressenti du patient pour détecter une aggravation ou une complication chez ces patients volontiers "happyhypoxiques". Pour autant, la mesure de la saturation peut être prise à défaut comme l’ont souligné plusieurs intervenants lors d’un webinaire sur le parcours des patients covid, organisé conjointement par la DGOS et la Cnam avec plusieurs sociétés savantes (dont le Collège de la Médecine Générale).
Des mesures faussement rassurantes en cas de polypnée associée
La HAS a fixé à 95 % le seuil en dessous duquel appeler le SAMU centre 15 ou hospitaliser le patient. Cependant, « avoir une saturation supérieure à ce seuil ne veut pas dire forcément qu'il n’y a pas d’hypoxie » a alerté le Pr Nicolas Peschanski (Urgences, SAMU 35, SMUR -CHU de Rennes), les chiffres pouvant être faussement rassurants chez un patient par ailleurs polypnéique. En effet, « un patient qui requière plus d’oxygène va accélérer sa fréquence ventilatoire avant de voir le chiffre de saturation baisser », rappelle le Pr Peschanski. Avec à la clé « une dissociation entre saturation et fréquence ventilatoire, proche de ce qu’on peut retrouver chez un asthmatique par exemple ». Dès lors, « une saturation avec une fréquence ventilatoire eupnéique n’a pas la même valeur que la même saturation avec une fréquence ventilatoire de détresse respiratoire ».
Représentant la SFMU, l’urgentiste rennais appelle donc, à intégrer la fréquence ventilatoire (FV), en sus de la saturation, dans les critères de surveillance avec des seuils d’alerte à 20 pour la FV de repos et 24 pour la FV après un effort modéré. « Pour nous c’est un signal presque plus parlant que la saturation seule » qui doit amener « à contacter le SAMU même si ce n’est pas pour immédiatement déclencher la filière hospitalière mais proposer une surveillance renforcée ».
Reste que comme l’a souligné le Pr Jésus Gonzales (pneumologie, Hôpital Pitié Salpétrière, Paris), qui intervenait au nom de la SPLF, l’auto-surveillance de la fréquence ventilatoire peut vite relever du casse tête, et pose la question de la fiabilité de la mesure, « peu d’études s’étant penchées sur la question ».
Un bémol qui aurait justement conduit la HAS à ne pas retenir ce paramètre dans ses critères d’autosurveillance et que reconnaît volontiers le Pr Peschanski. Pour contourner le problème, l'urgentiste plaide pour un recours plus large à la téléconsulation de médecine générale notamment pour évaluer la fréquence ventilatoire.
Un risque d’hypoxémie occulte chez les patients à peau noire
La question de la fiabilité des oxymètres de pouls a aussi été abordée. Le référentiel de la HAS préconise le recours à des appareils avec marquage CE. Cependant, ce dernier « ne garantit pas la qualité de la mesure », prévient le Pr Gonzales mais plus la sécurité du dispositif, comme par exemple l’absence de risque d’explosion. Et seule la norme ISO 80601-2-61, mentionnée à titre indicatif par la HAS « répond vraiment de la qualité de la mesure ».
Enfin, l’oxymétrie peut aussi être prise à défaut (en sous estimant l’hypoxie) chez les sujets à peau pigmenté noire ou brune, comme l’a mis en évidence une étude menée chez des noirs américains et publiée en janvier dans le JAMA . Chez ces patients, « il est nécessaire de rappeler l’importance de la surveillance des signes cliniques (dyspnée, etc.) en plus de la surveillance par oxymètre de pouls ».
A contrario, les circonstances suivantes (extrémités froides, engelures ; hypotension ; artérielle, insuffisance cardiaque ; tatouages en regard du doigt ; vernis à ongles ou faux ongles ; cubitus dorsal ; anémie ; drépanocytose et autres hémoglobinopathies) « peuvent conduire à l’affichage de valeurs faussement basses », indique la HAS.
Quoi qu’il en soit, un arrêté devrait très prochainement acter le remboursement de certains saturomètres sur prescription médicale (location de 7 jours renouvelable une fois), pour la surveillance à domicile des patients covid répondant aux critères fixés par la HAS.
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