Transmettre une expertise et soulager les patients douloureux à l’international, tout en respectant les traditions et cultures autour de la vie et de la mort : telle est la gageure que relève depuis près de 30 ans l’organisation non gouvernementale Douleurs sans frontières (DSF).
Fondée en 1996 par le Pr Alain Serrie, expert en médecine de la douleur et en médecine palliative, membre de l’Académie nationale de médecine, DSF intervient en Haïti, au Cambodge, à Madagascar, en Arménie, au Mozambique et en France, avec comme but premier de soulager les douleurs et développer les soins palliatifs pour les plus vulnérables. Elle recense 50 000 bénéficiaires chaque année.
« Nos actions sont différentes selon les pays : nous nous adaptons à la demande, ainsi qu’aux us et coutumes et aux religions. Au Cambodge, alors qu’on nous avait dissuadés d’ouvrir un centre de soins palliatifs, au motif que là n’était pas la priorité, nous avons été dépassés par les demandes d’hospitalisation et de consultations, y compris pour les indigents. Les gens savaient que nous ouvrions les portes aux bonzes pour les cérémonies », a rapporté le Pr Alain Serrie, lors d’une conférence de presse en mai dernier. Et d’insister sur l’importance de connaître les diverses cultures pour être accepté : « Certaines populations considèrent que plus l’on souffre dans le présent, plus l’avenir sera radieux ». Mais quel que soit le contexte local, les équipes de DSF prônent un unique message : « la douleur n’est pas une fatalité ». Et souvent plaident auprès des autorités pour inscrire la morphine dans la liste des médicaments essentiels, quand ce n’est pas déjà le cas.
Plus de 6 500 heures de formation dispensées
Depuis ses débuts, DSF se distingue aussi par son activité de formation à la prise en charge de la douleur, « en s’assurant que nos enseignements restent après notre départ », souligne le Pr Serrie.
« Au Cambodge, nous avons identifié les professionnels qui semblaient les plus motivés par la pédagogie pour les faire participer à nos formations, et nous nous sommes peu à peu effacés. Aujourd’hui, nous sommes juste invités à la remise des diplômes, et les enseignements ont essaimé dans d’autres villes que Phnom Penh », poursuit le fondateur.
L’ONG a notamment mis en place un diplôme universitaire (DU) entre l'Université de Paris 7 et Phnom Penh, mais aussi Port-au-Prince (Haïti), avec 110 heures de cours. Si la théorie s’inspire de l’International Association for the Study of Pain, certains modules offrent des contenus plus en phase avec les réalités locales.
Des tabous aussi en France
Alors que la rentrée en France devrait être marquée par l’annonce d’un projet de loi sur la fin de vie et la publication d’une stratégie décennale sur les soins palliatifs 2024-2034, « les tabous persistent chez nous », considère le président de l’ONG, Olivier Weber, écrivain et ancien ambassadeur de France. « L'important est avant tout le choix des patients. Or la loi Leonetti-Claeys est insuffisante ; il est regrettable que des Français partent à l'étranger », considère-t-il.
Sans prendre parti sur l'aide active à mourir, le Pr Serrie souligne les évolutions qu'il a observées au cours de sa carrière. « Quand j'ai commencé les études de médecine, on ne parlait pas de la fin de vie ni de la mort. Aujourd'hui, la mort n'est plus une option qu'il faut repousser à tout prix, mais quelque chose qui requiert un accompagnement et de la bienveillance », explique-t-il.
Mais il déplore encore de grandes lacunes : « les Ehpad fonctionnent de manière catastrophique et ne sont pas prêts à accueillir tous les centenaires à venir. Par ailleurs, si la douleur est prise en compte dans les hôpitaux, elle ne l'est pas dans la rue ; nous avons un devoir de réflexion pour mieux accompagner les migrants et développer des actions qui répondent à la réalité du terrain ». Une tâche à laquelle s'attelle la mission France de DSF.
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