Etudiants en santé, la révolte

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Publié le 13/04/2017
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En rompant le silence, les internes, infirmières et aides-soignants dénoncent dans un livre des scènes de violence ordinaire dont ils sont victimes. Faut-il là aussi parler de banalité du mal ?

Le livre* a provoqué une déflagration dans les media grands publics. La souffrance au travail infligée aux étudiants en santé devient un sujet de société. Les témoignages recueillis par le Dr Valérie Auslender sont accablants. Depuis l’aide-soignant jusqu’à l’interne, l’exploitation, l’humiliation, les sévices sexuels relèvent ici de la maltraitance ordinaire. Mais faut-il vraiment s’en étonner et découvrir aujourd’hui le calvaire subi par ces jeunes hommes et jeunes femmes ? « Ces témoignages m’ont bouleversé comme si cinquante ans de vie professionnelle ne m’ont rien appris, comme si j’étais « passé à côté », reconnait le Pr Didier Sicard, ancien chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin, ancien président du Comité Consultatif National d’Ethique. Pourtant, tous les étudiants en médecine ont connu un(e) patron(ne) sadique, un stage à éviter, et des plannings très loin des 35 heures.

Simplement, cette maltraitance se décline désormais à tous les étages, à tous les niveaux de la hiérarchie. Comme si ce bizutage était le prix à payer afin de bénéficier du prestige des professions de soin. La génération Y n’entend plus de se plier à cette évidence. Comme prendre soin, soulager la douleur des patients si l’on est soi-même victime dans son apprentissage de brimades, de souffrances ordinaires ? L’ensemble des commentaires d’experts réunis dans l’ouvrage pointent la responsabilisation de l’institution, de ce management sensible seulement à la rentabilité, aux chiffres et guère aux maux. Cette violence ordinaire n’épargne pas les médecins en poste. L’association Jean-Louis Megnien recense plus de trois cents cas de harcèlements au sein de l’hôpital public. Certes, mais peut-on franchement dire que c’était mieux avant ? La violence institutionnelle n’est pas surgie de la seule T2A. Le livre s’ouvre par la préface bouleversante d’une jeune interne en pédiatrie de Marseille, compagne de ce jeune médecin qui s’est suicidé en formation en neurochirurgie en février 2016. Les mots sont assassins pour le service qui se serait emmuré dans un certain déni si l’on croit la jeune femme. Faut-il là aussi parler de banalité du mal ?

* Omerta à l'hôpital, le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé, Dr Valérie Auslander, édition Michalon.

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Source : lequotidiendumedecin.fr