Rassembler ou diviser n'est pas le sujet. J'ai toujours eu beaucoup de mal avec les rassemblements. La qualité d'une démocratie représentative consiste à civiliser les divisions et à les faire rentrer dans un cadre acceptable qui serve une existence commune. Le rassemblement dans l'histoire on en a eu des preuves sinistres. Nous avons toutes les raisons d'en sortir meilleurs. Car chaque épreuve porte en elle-même la capacité d'en sortir. 1945 a vu naître l'émergence des droits sociaux et cette notion absolument extraordinaire de Sécurité sociale, qu'il faut prendre très au sérieux, c'est-à-dire de garanties offerte à tous et d'un égal traitement en matière de santé. L'expérience historique nous montre que nous avons toutes les capacités d'en sortir meilleurs à condition de ne pas se laisser bercer par un discours convenu.
Les Français n'ont pas besoin d'être protégés ou rassurés, ils ne sont pas un troupeau de moutons ni une garderie d'enfants et n'ont pas nécessairement besoin d'être protégés. Ils ont besoin d'une autorité politique qui leur dise la vérité et qui les traite comme des citoyens adultes.
L'égalité est mise à mal puisqu'on sait très bien que les vieux, les pauvres, les sans-abri, compte tenu de la saturation des capacités sanitaires, ne seront pas traités de la même manière que ne le sont les gens qui ne le sont pas.
Ce qui me frappe dans cette crise, c'est l'inégalité des fonctions. Il y a 2 France, d'une part ceux qui comme moi font leur part en restant chez eux. Ce qui est assez paradoxale, car l'action qu'on leur demande est une action entièrement passive. D'autre part, on a ceux qui vont des soignants aux livreurs et aux caissières, bref à tous ceux qui sont exposés, font en réalité le travail qui permet au pays de vivre ou à soigner. Or le premier devoir d'un gouvernement est de faire respecter la déclaration des droits. Elle contient cette phrase extraordinaire : "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune." Mais nous n'y sommes pas, les distinctions sociales ne sont pas fondée sur l'utilité commune. Un interne ne gagne que 1 400 euros par mois, plus 100 euros pour une période de garde qui peut aller jusqu'à 24 heures et 0 euro en cas d'astreinte le week-end. C'est moitié moins qu'un directeur d'hôpital du même âge, c'est moins qu'un gardien de la paix débutant, c'est trois fois moins qu'un conservateur d'hypothèques, 2,5 fois moins qu'un chef de bureau du budget. Les distinctions sociales ne sont pas fondées sur l'utilité commune et on le voit à l'heure actuelle.
Historiquement, le fondement des états d'urgence, c'est le caractère exceptionnel des circonstances. Très franchement, l'état d'urgence sanitaire tel qu'il a été voté par des dispositions d'exception, il ne me paraît pas contestable dans son fondement. C'est une situation complètement anormale de se trouver dans le cas de placer 602 millions de Français dans une situation de confinement, il faut évidemment une base législative.
En matière de terrorisme, on nous disait : "Il faut suspendre la déclaration des droits." Et on demandait alors jusqu'à quand. Et on nous répondait :"Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de terrorisme." Ce qui correpond bien au discours classique de l'Etat qui vise d'abord à l'efficacité avant de viser au respect des droits. Et comme le terrorisme ne semblait pas s'éloigner de la vue humaine, on pouvait craindre de vivre dans un univers où les droits soient suspendus en permanence, puis ensuite avec l'inclusion de certaines dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun. Je suis assez inquiet sur le fait qu'un jour on nous dira que les pandémies peuvent revenir et qu'il peut y avoir d'autres épidémies. A partir de quel moment considère-t-on que c'est grave ? 1 000 morts, 2 000 ou 50 000 ? Et donc on va conserver dans le droit commun ce dispositif exceptionnel.
Le tracking, le traçage des données, ce genre de dispositif est acceptable en période de pandémie pour éviter un très grand nombre de morts. Mais pour en sortir, cela suppose une conscience civique et une force morale chez des dirigeants, en particulier parmi ceux soumis à réélection et sensibles à l'inquiétude sécuritaire de leurs concitoyens, dont je ne les crois pas nécessairement capables. En d'autres termes, pour installer ce dispositif transitoire, encore faut-il s'assurer ensuite que l'on arrête à partir de la date T, que les fichiers sont détruits, que le dispositif technique en question soit mis au placard, et on sait très bien qu'il n'en est jamais ainsi.
J'ai entendu le ministre de la Santé dire : "Peut-être que vous ne croyez pas le personnel politique. Alors si vous ne le croyez pas, écoutez au moins les scientifiques et les blouses blanches ". Pour moi, il s'agit là d'un langage inaudible : personne ne veut vivre dans la République du Pr Tournesol. Les conseils scientifiques Tartemolle ne sont investis d'aucune responsabilité démocratique. Le devoir de l'autorité politique est de tenir un discours. Il la tient de manière d'autant plus crédible qu'il ne change pas de pied et de position en permanence. Un spectacle auquel nous assisté malheureusement depuis le début de la pandémie. Il le tient, il en est responsable et il combine des intérêts différents. Les scientifiques d'ailleurs divisés entre eux au début de la pandémie ont des idées et on voit bien qu'ils diffèrent y compris sur les méthodes de traitement et de cure. Mais le devoir de l'autorité politique est de combiner ce que disent les scientifiques avec des impératifs d'une autre nature : la santé psychique de leurs concitoyens confinés, les dommages susceptibles d'être apportés à l'économie, l'évolution de la société politique.
Ce virus est incroyablement cruel et mortel. L'angoisse qu'il provoque chez nous ne doit pas nous conduire à critiquer le Gouvernement qui se trouve face à une tâche d'adaptation difficile. Comme si d'une certaine manière le Gouvernement était responsable du virus. Le Gouvernement n'est responsable que de son inadaptation. Mais il ne doit pas s'abriter derrière des conseils scientifiques pour décider. J'ai entendu une justication à la tenue des élections municipales en disant : "Le Conseil scientifique nous avait donné son approbation."
La question du rôle du parlement sera aussi posée après la crise. Le parlement est à la fois un mécanisme de contrôle et d'édiction des règles générales. Le mécanisme d'édition des règles générales a été mis entre parenthèses par le recours aux ordonnances. On peut le concevoir...
La rhétorique de la guerre brandie par le président Macron est tout à fait contestable. Nous sommes en situation de pandémie où il faut faire appel au dévouement, au service et à la compassion. J'ai le plus grand respect pour les armée, mais pourtant dire qu'on est en état de guerre, c'est supposer de manière implicite que seules les méthodes de la guerre viennent à bout d'une crise sanitaire, ce qui n'est pas le cas. C'est supposer aussi que les vertus militaires sont absolument prééminentes alors que le dévouement, la solidarité, la compassion sont des vertus qu'on trouve aussi dans la société civile.
en matière de fraternité nous aurons à réapprendre à vivre ensemble car nous aurons vécu confinés. En matière d'égalité, concernant la question des services publics, de leur financement et de l'anticipation : ce qui me frappe est que nous avons confiné la population car cette crise n'a pas été anticipée en matière de masques, de tests... Je n'en ferais pas le griel au seul gouvernement car nous vivons tout entier dans la perspective du court terme et l'impératif budgétaire dominant. Mais à la fin au titre de l'égalité, nous devrons en sortir sur une véritable réflexion sur les services publics, leur financement pour le long terme. C'est seulement ça qui nous permettra ensuite étant équipés pour faire face à des événements de ce genre de ne pas trouver comme seule issue la réduction de la liberté.
Depuis 20 ans, l'étendue de nos droits se trouve proportionnée à la capacité de l'Etat de les mettre en oeuvre. Concernant la liberté de manifester, on détruit des unités entières de gendarmes mobiles et donc on n'a plus les moyens d'encadrer les manifestations. Et donc quand les manifestations tournent à l'émeute, que fait-on ? On restreint la liberté de manifester.
Je ne crois pas du tout que les Français soient dans leur majorité convaincus qu'il faut abdiquer la liberté pour parvenir à mieux se soigner. Si c'était le cas, la Chine n'aurait pas eu de morts comme disait Simon Leyes. Je fais confiance à la sagesse originelle du peuple français : les gens savent très bien faire la part des choses. L'exemple que donne le Gouvernement ne conduit pas à leur faire confiance au point de leur confier toutes les rênes. Nous avons une sorte de combat collectif à mener et il serait bon qu'on le mène à plusieurs. Ce qui peut nous conduire à éviter cette tentation de l'Homme fort et de suspension de nos libertés démocratiques, c'est la liberté de la presse. J'ai entendu un journaliste à la télé dire que nous avions besoin d'être rassurés. Nous n'avons pas besoin d'être rassurés, mais nous voulons que les journalistes posent de vraies questions au pouvoir pour savoir la vérité.
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