L'été 2022 a été l'été le plus chaud jamais enregistré en Europe avec des moyennes de températures supérieures de 0,78 à 3,56 degrés selon les régions, par rapport aux moyennes de 1991 à 2020. Selon un travail mené par les chercheurs de l'Inserm, en collaboration avec l’Institut de Barcelone pour la santé globale (ISGlobal), et publié dans « Nature Medicine », il y aurait 61 672 décès attribuables à la chaleur au cours de cet été record sur le continent.
Ce chiffre s'approche du nombre record de morts supplémentaires liés à la canicule qu'a connu l’Europe en 2003, soit 70 00 décès. Pour les chercheurs, la comparaison entre les deux bilans indique que les stratégies d’adaptation développées au cours des 20 dernières années pour protéger les populations les plus vulnérables ne sont pas suffisantes. Un constat inquiétant alors même que le nombre d'épisodes de forte chaleur pourrait doubler d'ici à 2050, sous l'effet du réchauffement climatique.
Les effets des canicules de 2022 sur la mortalité n'ont pas été homogènes en Europe et au cours du temps. L'équipe a scruté les données de température et de mortalité dans 823 régions de 35 pays européens. La plus grande anomalie thermique a été enregistrée entre le 11 juillet et le 14 août, période durant laquelle la chaleur a causé 38 881 décès, selon le travail de l'Inserm. La période du 18 au 24 juillet a été particulièrement torride, et on estime que 11 637 décès sont attribuables à la chaleur, principalement en Europe de l'Est et du Sud. Au total, 114 personnes sont mortes à cause de la chaleur pour chaque million d'Européens. Les chercheurs estiment que chaque degré gagné depuis 2015 a été associé au décès de 18 547 personnes en Europe lors des vagues de chaleur estivales.
Le paradoxe français
C'est en France que la plus forte augmentation de température a été observée : +2,43 °C au-dessus des valeurs moyennes de la période 1991-2020, mais elle n'aurait subi que 4 807 décès supplémentaires causés par la chaleur, alors que l'Italie (+2,28 °C) en a connu 18 010, l'Espagne (+2,11 °C) 11 324 et l'Allemagne 8 173.
« La température n'est pas le seul critère responsable de la surmortalité, explique Hicham Achebak, co-auteur de l'étude. Il faut aussi prendre en compte plusieurs facteurs démographiques, socio-économiques, ainsi que les stratégies d'adaptation des populations et des pouvoirs publics. » Est-ce que les mesures de prévention de la canicule se sont révélées plus efficaces en France ? Ou la population française s'est-elle montrée plus résiliente ? Hicham Achebak reste prudent : « nous manquons d'études sur l'efficacité des différentes mesures de protection des populations, et sur l'impact des évolutions socio-démographiques. Notre étude ne fournit qu'une partie de la réponse. »
Des chiffres inférieurs à ceux de Santé publique France
Ces chiffres sont à comparer à ceux publiés en juin 2023 par Santé publique France (SPF). L'agence estimait que près de 33 000 décès étaient attribuables en France entre 2014 et 2022, dont près de 7 000 en 2022, soit environ 2 000 de moins que l'estimation faite par les chercheurs de l'Inserm. La source de données des deux travaux est pourtant identique : la base de données du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc).
La principale différence entre les deux estimations réside dans le fait que Santé publique France a exploité les chiffres quotidiens de mortalité, quand les chercheurs de l'Inserm ont utilisé des données hebdomadaires. Hicham Achebak en explique la raison : « la majorité des pays européens ne sont pas en mesure de fournir des données quotidiennes, mais des données hebdomadaires, indique-t-il. Or, il fallait que l'on puisse comparer les chiffres entre les pays européens. » Il est aussi important de noter que SPF a arrêté sa période d'étude à la moitié du mois de septembre et non pas au début du mois.
Selon les estimations de l'Inserm, la température du continent européen est en train de s'emballer. Entre 1991 et 2012, la température moyenne annuelle a augmenté de 0,028 °C par an. Un rythme multiplié par 5 depuis 2013 : +0,142 °C par an. Les prédictions des auteurs ne sont pas rassurantes : en l'absence d'une réponse adaptative efficace, le continent fera face à une moyenne de plus de 68 000 décès en excès chaque été d'ici à 2030 et de plus de 94 000 d'ici à 2040.
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