Pour la huitième année consécutive, 114 chercheurs et professionnels de santé ont été rassemblés par le Lancet pour évaluer les conséquences sanitaires du réchauffement climatique. Dans leur rapport publié ce mercredi 15 novembre, le constat est plus sombre que jamais.
« En 2022, notre commission avait prévenu que la santé des populations est mise en danger par la consommation d'énergies fossiles. Nous avions expliqué à quel point des transformations étaient nécessaires pour lutter à la fois contre le changement climatique, la crise de l’énergie et du coût de la vie et la crise sanitaire », se souvient la Dr Marina Romanello (institut pour la santé globale, University College de Londres), première autrice du rapport. « Hélas, dans notre rapport de cette année, nous retrouvons bien peu de signes de progrès », déplore-t-elle auprès du Quotidien. Au rythme actuel de consommation des énergies fossiles, chaque décennie qui passe correspond à une augmentation de 1,14 °C de la température mondiale moyenne.
Les personnes âgées et les plus jeunes, les plus exposées
L'année 2023 a été la plus chaude jamais observée en 100 000 ans. Et des records de chaleur ont été pulvérisés sur tous les continents, au détriment des plus fragiles : les personnes âgées de plus de 65 ans et de moins de un an qui subissent désormais deux fois plus de journées caniculaires que lors de la période 1986-2005 (pourtant déjà plus chaude que la période pré-industrielle).
Selon le Lancet Countdown, les décès liés à la chaleur ont augmenté de 85 % depuis la décennie 1990-2000 chez les plus de 65 ans. Même si l'on parvient à maintenir le réchauffement global en dessous de 2 °C par rapport à l'ère pré-industrielle - nous n'en prenons pas le chemin -, les décès liés à la chaleur vont encore augmenter de 370 % d'ici à 2050.
Le changement climatique menace aussi la sécurité alimentaire globale puisque des épisodes de sécheresse extrême surviennent désormais sur 47 % des terres émergées, contre 18 % entre 1951 et 1960. Conséquence : depuis 2010, 127 millions d'humains supplémentaires sont menacés par une insécurité alimentaire modérée à sévère. Plus de 500 millions de personnes en plus seront dans cette situation si rien de concret n'est fait d'ici la moitié du siècle. « Ce sont les fondements mêmes de la santé humaine qui sont attaqués », s'alarme la Dr Romanello. Le changement climatique augmente aussi la part de la population exposée aux arboviroses et au paludisme, avec des conditions de vies plus propices aux vecteurs. Dans le même temps, les ressources en eau potable se faisant plus rares, d'autres maladies infectieuses sont plus menaçantes.
Quant au coût économique, les auteurs chiffrent, en 2022, à 264 milliards de dollars (243 milliards d'euros) les pertes associées aux événements climatiques extrêmes, et à 853 milliards de dollars (786 milliards d'euros) les pertes causées par la perte économique globale liée aux chaleurs excessives.
Pour la première fois, la commission du Lancet s'est intéressée de près à une conséquence secondaire du changement climatique : l’incapacité des états à financer leurs systèmes de santé, pris en ciseau entre l'augmentation des charges liées aux conséquences du réchauffement climatique d'une part, et la diminution des ressources économiques d'autre part. Les experts constatent en outre un manque de préparation : seulement 44 % des pays à faible revenus et 54 % de ceux à revenus intermédiaires rapportent avoir mis en place des réponses aux urgences sanitaires contre 85 % des pays à hauts revenus, alors même que ces derniers n'ont pas tenu leur engagement de verser 100 milliards de dollars (92 milliards d'euros) chaque année pour aider à la lutte et à l'adaptation. « Les pays qui ont historiquement le plus contribué au changement climatique sont les mêmes qui refusent d'en assumer les conséquences, résume tristement la Dr Romanello. Pire : rien n'est concrètement fait pour réduire le problème, la consommation d'énergie fossile continue à accélérer. Des années d'avertissement de la communauté scientifique ont été accueillies par des réponses terriblement insuffisantes. »
Une transition énergétique qui pourrait être bénéfique pour la santé
En 2022, les émissions de CO2 liées à la production d’énergie ont encore augmenté de 0,9 % pour atteindre le niveau historiquement haut de 36,8 gigatonnes. Les experts ne veulent toutefois pas baisser les bras, et leur rapport contient de nombreuses propositions d'actions contre le changement climatique centrées sur la santé.
« Les données montrent tous les bénéfices pour la santé liés à la transition énergétique », insiste la Dr Romanello. Compte tenu de la part importante de la population qui n'a pas encore accès à l’électricité, les énergies renouvelables pourraient représenter un moyen décentralisé de réduire les inégalités tout en réduisant la pollution liée à la combustion d’énergies fossiles (460 000 décès sont causés chaque année par la pollution aux microparticules). La commission du Lancet insiste aussi sur les nombreux emplois qui pourraient être créés par la transition énergétique.
La production alimentaire est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, principalement liée à la consommation de viande rouge et de lait. Les experts insistent donc sur la nécessité de promouvoir des régimes avec moins de viande plus à même d'être conformes aux repères nutritionnels et de prévenir les quelque 12,2 millions de décès attribués chaque année à une mauvaise alimentation.
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