« Promise par le candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017, nous constatons aujourd’hui que la « révolution de la prévention » n’a hélas pas eu lieu durant le précédent quinquennat ».
En ouverture du 61e Congrès des centres de santé, le Dr Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS), fait ce constat amer. Alors, les centres de santé insistent. Ce n’est pas la première fois que le thème de la santé publique est choisi pour le Congrès des centres de santé, mais ils réitèrent cette année avec une édition 2022 intitulée : Enfin la santé publique !
Un retard préjudiciable à la santé des Français
Le quinquennat qui s’ouvre peut-il leur donner des raisons d’espérer ? L’ajout du mot Prévention dans l’intitulé du ministère de la Santé est un maigre gage, mais dans son allocution vidéo en ouverture du Congrès François Braun l’assure : « comme vous, je crois que le temps de la prévention et de la santé publique est venu ». Et l’annonce dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023 de la mise en place de consultations de prévention est un signal positif.
Mais « cela ne constitue cependant pas encore un réel plan de santé publique », appuie Frédéric Villebrun. D’autant plus que le retard à rattraper est conséquent. « Au fil du temps, la faiblesse des programmes nationaux de santé publique et le désengagement progressif de l’État dans le soutien aux acteurs de la prévention ont des conséquences de plus en plus lourdes pour la population », souligne-t-il. Et le président du syndicat de citer notamment, la hausse de la mortalité infantile ou celles de la sédentarité, du surpoids et de l’obésité, la prévalence toujours élevée du tabagisme et de certaines conduites à risque ou encore les faibles taux de dépistage organisé des cancers.
« Le sous-investissement chronique dans les structures et les équipes de prévention a conduit à l’effondrement des effectifs d’infirmiers et de médecins scolaires, des médecins de santé publique et à une saturation des centres de PMI et des centres de santé sexuelle », tacle-t-il aussi.
Mettre en avant les centres à vocation de service public
Il y a donc urgence à investir dans la santé publique. Et pour le président de l’USMCS les centres de santé ont naturellement toute leur place pour y jouer un rôle fort. Cela fait partie de leur ADN, et face à la multiplication des centres de santé, le Dr Villebrun confiait d’ailleurs récemment vouloir promouvoir un certain type de centres de santé, ceux à vocation de service public. « Nous voulons mettre en avant les valeurs de centres de santé qui ont choisi de développer des actions de santé publique », expliquait-il. L’USMCS porte d’ailleurs depuis longtemps la création d’un service public territorial de santé.
La signature au printemps 2022 de l’avenant 4 de l’accord conventionnel pour les centres de santé a acté quelques avancées pour leur permettre de réaliser ces missions de santé publique et surtout de les financer, « même s’il est encore trop timide », juge le Dr Villebrun. Et s’il a été signé en cours d’année, il pourra malgré tout s’appliquer en année pleine pour 2022. Cela a son importance car comme le précise le Dr Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), les financements versés au titre de l’accord représentent de 20 à 25 % des recettes des centres signataires.
Renforcer l'attractivité des métiers
Le ministre de la Santé a en tout cas affirmé vouloir « donner toute leur place aux centres de santé, qui sont particulièrement volontaires pour la mise en place d’actions de prévention ». Il a notamment souligné que la présence des 2 200 structures au cœur des territoires donnait « tout son sens à la notion de responsabilité populationnelle ».
Et au-delà de leur présence fixe, ils auront aussi leur rôle à jouer dans les dispositifs « d’aller vers », centraux dans la nouvelle stratégie du ministère en termes de prévention. Une démarche essentielle comme l’a rappelé le professeur de santé publique et d’épidémiologie Alfred Spira, lors de la table ronde d’ouverture. « C’est très important parce que les personnes n’ont pas forcément les moyens de se déplacer, et aussi pour intégrer les conditions économiques sociales et environnementales des personnes dans les modalités de prise en charge », souligne-t-il.
Outre la place que les centres de santé veulent et peuvent prendre dans le virage de la prévention, pour le président de l’USMCS, leur modèle s’adapte aussi aux aspirations d’exercice des professionnels de santé aujourd’hui.
« Les centres de santé sont l’une des réponses au besoin de soutien mutuel, de travail en équipe, de projet de santé souvent exprimé par les professionnels. Le salariat représente également une sécurité et une qualité de vie au travail de plus en plus recherchées par les soignants », estime-t-il.
Malgré tout pour renforcer l’attractivité des centres de santé et de ses métiers, le Dr Villebrun continue de réclamer la transposition immédiate des revalorisations et primes accordés dans le cadre du Ségur de la Santé. Sans répondre directement puisqu’il n’était pas présent physiquement, François Braun a annoncé le lancement prochain d’une campagne en faveur de l’attractivité des métiers. Reste à savoir sur quoi elle reposera.
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