La doxycycline pourrait bientôt être recommandée aux États-Unis en prévention de certaines infections sexuellement transmissibles (IST) après un rapport sexuel non protégé.
Alors que les cas d'infections à Chlamydia, gonorrhée et syphilis sont en hausse dans le pays avec 2,5 millions de personnes atteintes en 2021, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont proposé le 2 octobre cette prescription pour les populations les plus à risque dans les 72 heures après le rapport. Il ne s’agit pas encore d’une recommandation de l’autorité sanitaire, mais la proposition ouvre une phase de commentaires publics, un préalable à une adoption définitive.
Le recours à cet antibiotique en prophylaxie post-exposition vise à répondre à une évolution des comportements de prévention des populations jugées les plus à risque, et notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les femmes trans. Depuis l’introduction de la Prep (prophylaxie pré-exposition), les préservatifs sont moins utilisés. « En parlant avec des patients, et parce que je fais partie de la communauté sous Prep (...), je pense que l'ère de la prévention via les préservatifs est en déclin », commente auprès de l'AFP le Dr Stephen Abbott, qui prescrit et utilise la doxycycline.
Trois essais encourageants
Pour justifier sa position, le CDC s’appuie sur plusieurs études montrant une réduction du risque d’infection des trois maladies. La piste avait été ouverte par l’étude Ipergay de l’ANRS. Destiné à évaluer l’efficacité de la Prep en prévention du VIH/sida, ce travail comprenait une sous-étude sur l’efficacité de la prise de 200 mg de doxycycline dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé. Menée entre juillet 2015 et janvier 2016 auprès de 232 participants, l’étude a mis en évidence un risque moindre de survenue d’une première IST dans le groupe doxycycline (HR : 0,53).
Pour confirmer ces données, une autre étude a été menée à San Francisco et Seattle chez des HSH et des femmes trans (sous Prep ou séropositifs au VIH) ayant eu une IST dans l’année précédant l’inclusion. Dans cet essai randomisé baptisé DoxyPEP, le protocole de prise de la doxycycline était le même que dans Ipergay. Publiés dans le New England Journal of Medicine en 2023 après avoir été présentés à la conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de 2022, les résultats montrent une réduction de l'incidence des IST de 62 % auprès des participants atteints du VIH et de 66 % chez ceux prenant la Prep. L'efficacité s'est révélée plus élevée contre la Chlamydia et la syphilis (-80 % d'infections) que pour la gonorrhée (-55 %).
Sont ensuite arrivés d’autres résultats tirés d’une nouvelle étude de l’ANRS. Nommée DoxyVac, elle visait à confirmer les précédents résultats et à évaluer la valeur ajoutée de la vaccination contre les méningocoques dans la prévention de la gonorrhée. L’essai randomisé a inclus des HSH prenant une Prep et ayant présenté au moins une IST dans l’année précédant l’inclusion. Ils ont été répartis dans quatre groupes : doxycycline seule ; vaccin seul ; doxycycline et vaccin ; groupe témoin. L’étude montre une baisse du risque d’infection de 79 % pour la syphilis, de 89 % pour les infections à Chlamydia et de 51 % pour les gonorrhées. La vaccination contre les méningocoques (vaccin contre Neisseria meningitidis du groupe B, Bexsero) a quant à elle permis de réduire le risque d’infection de 51 %. Ces résultats ont été présentés à la CROI 2023 à Seattle.
Évaluer le risque d’antibiorésistance
Le seul bémol à ces résultats réside dans le développement potentiel d’une résistance antibiotique, en particulier pour la gonorrhée, dont la bactérie mute rapidement. Dans l’étude américaine DoxyPep, les chercheurs ont observé une augmentation des résistances à la doxycycline : 38,5 % des patients ayant une gonorrhée dans le groupe doxycycline présentaient une souche résistante à la tétracycline, contre 12,5 % dans le groupe contrôle.
Mais ils n’étaient pas en mesure de trancher si les infections sont provoquées par des souches résistantes ou si les mutations ont été induites par la prophylaxie. Les premières données semblent rassurantes, selon la Dr Connie Celum, coresponsable de l’étude américaine.
Greffe : les Français favorables au don mais trop peu informés
Maladie de Charcot : les troubles du sommeil précéderaient l’apparition des symptômes moteurs
Recherche
Cohorte ComPaRe : cinq ans d’enseignements tirés des patients
Traiter l’obésité pédiatrique améliore la santé cardiométabolique à long terme