Mésothéliome lié à l'amiante chez les femmes : en progression et des causes inconnues

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Publié le 28/06/2019

Instinctivement, on lie le mésothéliome pleural à l'exposition professionnelle à l'amiante. Selon les données à 20 ans du programme de surveillance des cas de mésothéliome pleural (PNSM) rendues publiques ce jeudi par l'agence Santé publique France (SPF) ce préjugé est à revoir, au moins en ce qui concerne les femmes. En effet, si 93 % des mésothéliomes sont liés à une exposition professionnelle chez les hommes, ce n'est le cas que de 40 % des cas chez les femmes. Dans environ 30 % des cas, il s'agit d'une exposition extraprofessionnelle, dont une majorité liée à un mode d'exposition peu connu : l'exposition para-professionnelle par l'intermédiaire d'un proche exposé professionnellement. De plus, aucune exposition n'a été retrouvée dans 30 % des cas.

Le mésothéliome pleural est en forte progression chez les femmes, qui représentent 27 % des 1 100 nouveaux cas de la période 2015-2016. L'incidence de la pathologie a doublé en 20 ans dans cette population, soit +50 % de cas en prenant en compte l'augmentation imputable au vieillissement de la population. Sur les 5 625 cas recensés dans le cadre du PNSM, 1 316 sont des femmes.

Des malades plus vieux, et plus nombreux

20 ans après l'interdiction de l'amiante, le nombre de mésothéliomes pleuraux continue d'augmenter : 1,3/ 100 000 sur la période 1998-2002 contre 1,9/100 000 sur la période 2013-2017. Dans le même temps, la proportion de « jeunes » cas (moins de 60 ans) a diminué de 16 à 6 %. « Compte tenu de la durée de 30 ans qui sépare l'exposition et l'apparition du mésothéliome, il va falloir attendre encore des années avant de ne plus avoir de malades exposés massivement avant l'interdiction », prédit le Dr Laurence Chérié-Challine, responsable de l'unité Pathologie et travail à SPF.

Pour Dorothée Grange, chargée de projet à SPF, le BTP est la source d'exposition qui monte : « Les expositions liées au secteur des BTB ont atteint 50 % des cas, explique-t-elle, on observe un transfert des nouveaux cas depuis les métiers de l'extraction et de la transformation du vers les métiers du BTP et de l'utilisation de ces fibres. Il est clair qu'il y a une sous-estimation du risque, à titre individuel, par les ouvriers de ce secteur. »

Dans son rapport, Santé publique France préconise des actions de prévention ciblées chez les professionnels les plus exposés. « Il est important d'agir sur les expositions contemporaines, martèle le Dr Laurence Chérié-Challine. L'amiante dans les canalisations, les toitures, l'isolation… »

Le processus de reconnaissance médico-sociale insuffisamment sollicité

Autre constat dressé par SPF : plus d'un quart des malades (27 %) n'ont entamé aucune démarche pour une demande de reconnaissance en maladie professionnelle ou d'indemnisation auprès du fonds des victimes de l'amiante (Fiva). Chez les femmes, plus de la moitié des malades qui ne font pas de démarche : 50 % dans les 11 départements couverts par le PNMS, et 71 % dans le reste de la France.

Là encore, l'agence appelle de ses vœux une meilleure information des professionnels de santé et des patients au sujet de ces dispositifs. « Le manque d'information est une des clés » pour comprendre ce faible taux de recours, estime Annabelle Gild Soit. « Il y a aussi l'âge et de la mauvaise santé des malades qui hésitent à se lancer dans des démarches qui peuvent, à tort, paraître lourde, poursuit-elle. On a aussi croisé des gens qui ne souhaitent pas faire de recours, de peur de mettre leur ancien employeur dans l'embarras. »

L'association de patients peu convaincue

S'il partage le constat dressé par Santé publique France, le président de l'association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) Alain Bobbio le juge néanmoins incomplet : « Vous n'avez pas abordé la question du suivi médical post-professionnel dont la situation est misérable en France, s'énerve-t-il. On compte en France 85 % des écoles qui ont au moins un bâtiment construit avant l'interdiction, et le désamiantage ne suit pas faute de moyens. »


Source : lequotidiendumedecin.fr