Progression de l’opposition au don d’organes : soignants et patients se mobilisent

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Publié le 29/10/2024
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Les signataires de la Déclaration de Paris, présentée le 28 octobre, émettent plus de 20 propositions susceptibles de contrer un phénomène qui prend de l’ampleur en France.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Soutien aux coordinations, respect du principe de priorité des activités de greffe et de prélèvement, implication accrue des médecins de soins critiques, accompagnement renforcé des proches de donneurs… Une série de propositions destinées à faire reculer l’opposition au don d’organes est mise sur la table par un regroupement d’associations de patients, de professionnels et de sociétés savantes (1) concernés par les activités de prélèvements et de greffes d’organes. La Déclaration de Paris, qui compile leurs préconisations, fait suite à un colloque organisé le 28 octobre par l’association Renaloo au ministère de la santé.

Les dons d’organes ont progressé de 2,5% en 2023 (par rapport à 2022) sans avoir retrouvé les niveaux pré-Covid. Surtout, le taux d’opposition aux prélèvements d’organes exprimée par les familles et les proches – à distinguer des refus rapportés par les défunts de leur vivant – progresse. Il a atteint 36% en 2023, un « record historique », s’alarme Yvanie Caillé, vice-présidente de Renaloo, association de patients atteints de maladie rénale. Ce taux dépasse les 50 % dans certaines grandes villes et même les 70 % en Seine-Saint-Denis.

L’an dernier, 800 personnes sont décédées sur liste d’attente. Ces « décès ne sont pas acceptables », poursuit-elle. Cette situation « n’est pas une fatalité » au regard des succès enregistrés par nos voisins, et notamment l’Espagne, où le taux d’opposition des familles ne dépasse pas les 15 % depuis plusieurs années.

Des motivations multiples à l’opposition

L’opposition peut être « prudentielle », quand la famille et les proches ne connaissent pas la position du défunt, ou « contextuelle », quand le refus est lié à la prise en charge ou au parcours de soins du défunt, analyse la Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de biomédecine (ABM). Plusieurs déterminants jouent : l’âge du donneur (plus le défunt est jeune, plus la famille s’oppose), la pratique d’un culte, le décès par suicide, la durée de l’hospitalisation (plus le séjour est court, plus l’opposition est forte), l’adhésion des soignants ou encore la qualité des soins, de la prise en charge et de l’accueil des proches par les équipes hospitalières, liste-t-elle. La pauvreté et les inégalités de santé sont aussi un moteur de l’opposition.

Pour contrer le phénomène, les acteurs impliqués dans les activités de prélèvements et de greffes ont identifié plusieurs leviers, à commencer par la réaffirmation du principe de priorité des activités de greffes et de prélèvement, adopté par la loi de bioéthique de 2004. Présente à l’ouverture du colloque, la ministre de la santé et de l’accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, a annoncé sa volonté de faire respecter cette obligation.

Les signataires de la Déclaration de Paris vont plus loin en réclamant que le don d’organes soit inscrit dans les stratégies des établissements hospitaliers. Ils appellent également au renforcement des effectifs médicaux et paramédicaux des coordinations de don d’organes, qui sont actuellement « trois fois moins nombreuses en France qu’en Espagne », pointe la Déclaration. Ces métiers de la coordination restent par ailleurs peu attractifs, ce qui doit alerter les directions des hôpitaux et les Commissions médicales d’établissements (CME).

Renforcer l’implication des médecins

L’implication des médecins de soins critiques (réanimateurs, anesthésistes réanimateurs et d’urgence) est à renforcer, poursuivent les signataires, qui souhaitent la formation de tous les professionnels de santé confrontés à la fin de vie. L’organisation est aussi à améliorer, notamment par la généralisation des réseaux de coordination de don d’organes autour des hôpitaux préleveurs, en intégrant des établissements du secteur privé.

Un autre levier relève des entretiens menés auprès des proches et de leur accompagnement sur le long terme. Il s’agit par exemple de garantir que les discussions soient engagées par des professionnels formés, membres de la coordination de don d’organes, et d’améliorer la reconnaissance des donneurs. Est également encouragée l’adoption de la terminologie « don d’organes » plutôt que celle de « prélèvement d’organes », notamment lors des entretiens avec les proches.

Les signataires plaident enfin pour le développement de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales, pour mieux comprendre les causes de l’opposition. À cet égard, la Dr Marine Jeantet a annoncé l’ajout prochain de nouveaux critères dans le système Cristal, géré par l’ABM. Cet outil, qui centralise les données nationales sur le prélèvement et la greffe, doit permettre de documenter les dynamiques d’opposition.

De son côté, la ministre, qui a jugé que le recul de l’opposition au don était une urgence « éthique », mais surtout « vitale », a annoncé l’envoi aux Agences régionales de santé (ARS) d’une « instruction » pour « redynamiser » les actions et relancer le plan greffe. Elle a également dit vouloir faire évoluer le registre R.E.I.N, administré par l’ABM, notamment en renforçant le rôle des associations de patients dans le pilotage et l'utilisation du registre.

1) Les signataires sont : Renaloo, Greffes +, Al.é.lavie, Société Francophone de Transplantation (SFT), Société Française de Médecine de Prélèvement d'Organes et de Tissus (SFMPOT) et Association française des coordinateurs hospitaliers (AFCH).


Source : lequotidiendumedecin.fr