Le 4 mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré la fin de l’urgence sanitaire mondiale sur le Covid-19, après plus de trois ans d’une pandémie qui a fait « au moins 20 millions de morts ».
Si les experts ont bien pris garde de souligner que leur décision ne signifiait ni la fin du SARS-CoV-2, ni celle de la pandémie, le Pr Pierre Tattevin, infectiologue au CHU de Rennes et vice-président de la Spilf (Société de pathologie infectieuse de langue française) salue une décision qui acte la sortie de crise et semble plutôt « adaptée ». « Alors qu’au cours des années précédentes, quand la situation épidémiologique s’améliorait quelque part, l’épidémie repartait ailleurs, on est désormais à un stade où il n’y a plus aucun endroit de la planète qui soit vraiment en tension à cause du SARS-CoV-2 », souligne le spécialiste.
Et au fil du temps, le Covid « a pris le chemin déjà suivi par d’autres infections à coronavirus en perdant en gravité pour devenir probablement, à terme, une maladie parmi d’autres ».
Maintenir une vigilance épidémiologique
Dans ce contexte, les experts de l’OMS ont jugé qu’« il était temps de passer à une gestion à long terme de la pandémie » malgré les incertitudes qui subsistent sur l’évolution du virus.
Pour le Pr Tattevin, si « une page se tourne », plusieurs enjeux persistent. Le premier est de maintenir une vigilance épidémiologique « pour ne pas se laisser surprendre la prochaine fois ». Il faut absolument « garder les moyens de repérer une nouvelle recrudescence ou l’émergence d’un nouveau virus », insiste le spécialiste.
Par ailleurs, « comme nous ne sommes pas à l’abri d’un rebond, il faut que la recherche continue », que ce soit pour permettre la découverte d’un traitement antiviral spécifique mais aussi pour améliorer l’efficacité des vaccins. Car « si le vaccin a vraiment sauvé des vies et s’est révélé très important en 2021, désormais, avec la souche actuelle, on n’est plus sûr d’avoir une réelle efficacité ».
Enfin, alors que, selon l’OMS, au moins 6 % des Covid symptomatiques évoluent vers une forme au long cours, « il faudra mieux comprendre le Covid long mais aussi mieux savoir ce qui rend service au patient. Car, pour le moment, je n’ai pas l’impression que l’on ait vraiment identifié des moyens très efficaces de les aider, reconnaît le Pr Tattevin. Et si la rééducation et la réhabilitation à l’effort semblent pouvoir améliorer certaines personnes, il y a de nombreux patients chez qui cela ne fonctionne pas et qui, deux ans après, n’ont toujours pas récupéré leur état de santé ».
Sur le plan physiopathologique, une étude récente suggère que le Covid long pourrait être associé à la persistance du SARS-CoV-2 dans les muqueuses, mais cette hypothèse reste une possibilité parmi d’autres, nuance le Pr Tattevin.
Covid long, une nouvelle étude en faveur de la persistance virale
Selon une étude publiée dans Nature Communications, des anomalies du système immunitaire associées à la présence persistante du virus dans les muqueuses pourraient favoriser le Covid long.
Pour arriver à ces conclusions, les auteurs ont étudié sur des prélèvements sanguins l’état immunitaire de 127 personnes six mois après leur infection et de 37 sujets contrôles n’ayant pas été infectés. Ils se sont notamment intéressés aux lymphocytes T (dont les CD8) impliqués dans l’élimination du virus et aux anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2.
Les chercheurs ont ainsi montré qu’un sous-type de cellule CD8 exprimant le granzyme A, une protéine inflammatoire, était en excès, tandis qu’un autre sous-type, exprimant l’intégrine b7, était en faible quantité. Or cette sous-population est essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses. Des anticorps IgA spécifiques du virus étaient également en surnombre alors qu’ils devraient rapidement disparaître si le virus est éliminé.
Pour les auteurs, ces observations suggèrent la persistance du virus dans l’organisme et notamment dans les muqueuses. « Le SARS-CoV-2 pourrait se calfeutrer au niveau de la muqueuse intestinale car celle-ci est plus “permissive” sur le plan immunitaire dans la mesure où elle doit tolérer la flore bactérienne », résume l’Inserm dans un communiqué.
Par ailleurs, en évaluant le niveau d’inflammation au cours de la phase aiguë, les scientifiques ont observé une association entre une réponse inflammatoire initiale avec des taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’IL-6 et le risque de faire un Covid long.
Ainsi, « une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de Covid et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation