La consommation d'additifs émulsifiants serait associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires (MCV), suggère l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren) de l'Inserm (1), dans de nouveaux travaux publiés ce 6 septembre dans le British Medical Journal.
Comme pour les précédentes études portant sur le lien entre édulcorants et cancers d'une part, et édulcorants et MCV d'autre part, l'équipe de la directrice de recherche Inserm Mathilde Touvier s'est appuyée sur la cohorte NutriNet-Santé.
Cohorte de 95 442 adultes
A notamment été scrutée la consommation d'émulsifiants chez 95 442 adultes français (âge moyen 43 ans ; 79 % de femmes) sans antécédent de maladie cardiovasculaire, entre 2009 et 2021. Pour rappel, les émulsifiants (2) figurent parmi les additifs les plus largement utilisés par l'industrie alimentaire, en particulier dans les pâtisseries, gâteaux, desserts et pains industriels, glaces, margarines et plats préparés, pour améliorer la texture des aliments et prolonger leur durée de conservation. De récentes recherches suggèrent qu'ils peuvent perturber le microbiote intestinal et augmenter le risque d'inflammation, entraînant une susceptibilité potentiellement accrue aux problèmes cardiovasculaires.
Au cours des deux premières années de suivi, les participants à NutriNet ont renseigné en ligne au moins trois (et jusqu'à 21) jours d’enregistrements alimentaires. Chaque aliment consommé (ou boisson) a ensuite été croisé avec des bases de données afin d'identifier la présence et la dose des additifs alimentaires, dont les émulsifiants. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives. Les volontaires étaient invités à signaler tout événement cardiovasculaire majeur (infarctus du myocarde, syndrome coronarien aigu, angioplastie, AVC et accident ischémique transitoire...) ; les décès liés aux maladies cardiovasculaires ont été enregistrés à l'aide du registre national français des décès.
Surrisque avec les celluloses et les mono et diglycérides d'acides gras
Les résultats mettent en évidence, à l'issue d'un suivi moyen de 7 ans, que des apports plus élevés en celluloses totales (codes E460 à E468) étaient associés à des risques plus élevés de MCV. En particulier, cette association était spécifiquement observée pour les apports en E460 (cellulose microcristalline, cellulose en poudre) et E466 (carboxyméthylcellulose).
D’autre part, des apports plus élevés en monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E471 et E472) ont été associés à des risques plus élevés pour toutes les pathologies étudiées. Parmi ces émulsifiants, l'ester lactique des monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E472b) était associé à des risques plus élevés de MCV et de maladies cérébrovasculaires ; et l'ester citrique des monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E472c), à des risques plus élevés de MCV et de maladies coronariennes. Une consommation élevée de phosphate trisodique (E339) était également associée à un risque accru de maladies coronariennes. Aucune association n’a été détectée dans cette étude entre les autres émulsifiants et la survenue de MCV.
Malgré les limites (une étude observationnelle, qui ne peut établir de causalité à elle-seule, une proportion élevée de femmes), « ces résultats apportent de nouvelles connaissances clés au débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l'utilisation des additifs dans l'industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent la Dr Mathilde Touvier et Bernard Srour, professeur junior à Inrae, principaux auteurs de l’étude.
1. Elle regroupe des chercheurs de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam.
2. Ils comprennent les celluloses, les mono-et diglycérides d'acides gras, les amidons modifiés, les lécithines, les carraghénanes, les phosphates, les gommes et les pectines.
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