Recevoir pendant une période prolongée un traitement hormonal de la ménopause (THM) par voie orale majorerait – de façon faible mais significative – le risque de maladie d’Alzheimer (MA) et ce quel que soit l’âge de mise en place du traitement. C’est le résultat - inattendu - d’une étude du British Medical Journal mise en place pour tenter d’apporter une réponse définitive quant à l’impact du THM sur cette affection. Cette question fait débat, plusieurs études observationnelles ayant retrouvé un effet neuroprotecteur du THM sans que ce bénéfice n'ait été confirmé dans l’étude WHIMS (Women Health Initiative Memory Study).
Une augmentation du risque faible mais significative
L’étude du BMJ est une étude cas-contrôle conduite en population générale à partir des registres finlandais de femmes ménopausées atteintes de maladie d’Alzheimer : 84 739 femmes au total ont été associées à autant de femmes contrôles appariées sur l’âge et l’hôpital de leur lieu de résidence. Afin de préciser l’utilisation ou non d’un THM, les auteurs ont analysé les registres de l’assurance maladie et pris en compte les remboursements de traitement. En Finlande, 90 % des THM sont prescrits par voie orale.
La quasi-totalité de cas d’Alzheimer était diagnostiquée après 60 ans (98,8 %) et 55,7 % après 80 ans. Pour trois femmes sur quatre, le diagnostic de l’affection neurologique était porté plus de 10 ans après la mise en place du THM, 64,5 % des patientes ayant cessé tout traitement depuis au moins 3 ans au moment du diagnostic.
Dans cette cohorte, l’utilisation d’un THM oral majore de 9 à 17 % le risque de maladie d’Alzheimer, sans différence significative entre œstradiol seul (OR 1,09) ou association œstrogène/progestérone (OR 1,17). Aucun impact sur la fonction cognitive n’a été noté avec l’œstradiol par voie vaginale.
Chez les femmes traitées après l’âge de 60 ans, la durée totale du traitement semble influer sur le risque : + 13 % avec 3 ans de traitement et + 35 % avec trois à cinq ans de traitement par oestradiol, + 20 % avec 3 ans de traitement et + 36 % avec un traitement de 5 à 10 ans avec l’association œstrogène/progestérone. En revanche, chez les femmes traitées avant 60 ans, le risque de maladie d’Alzheimer n’augmente pas si le TSM est prescrit pendant moins de 10 ans, mais il est majorée lorsque la durée de traitement dépasse le seuil de 10 ans. Cependant, l’âge au moment de l’initiation ne ressort pas en soit comme déterminant pour l’augmentation du risque.
Ainsi, « l’utilisation au long cours d'une hormonothérapie systémique peut s’accompagner d’une augmentation du risque de maladie d’Alzheimer, qui n’est pas liée au type de progestatif ni à l’âge au début du traitement hormonal», résument les auteurs.
Des résulats qui prêtent à discussion
Dans un éditorial joint, le Pr Pauline Maki (Chicago, États-Unis) souligne que cette étude conclut à une corrélation et non à un lien de causalité, mais elle précise néanmoins que la question du risque lié à l’association œstrogène/progestérone doit être approfondie…
Par ailleurs, « comme dans toutes les études de registre, les biais sont importants : on ne connaît rien des facteurs de risque, ni des antécédents des femmes traitées, nuance le Dr Gabriel André (gynécologue, Strasbourg) interrogé par Le Généraliste. Le diagnostic de maladie d’Alzheimer étant majoritairement posé après 80 ans, il convient aussi de remettre les résultats dans le contexte historique : il y a 30 ans, on pensait que le THM pouvait contribuer à ralentir une maladie CV ou d’une maladie d’Alzheimer débutante. Il est donc probable que les femmes dans cette situation aient été traitées préférentiellement par THM. Or on sait maintenant que le traitement hormonal a un effet délétère pour le cerveau à ce stade ».
De plus, « les résultats sont indépendants de l’âge d’initiation du THM, poursuit le Dr André. Cette absence de "fenêtre d’intervention" (à contre-courant des données actuelles) est curieuse et a semblé perturber les auteurs de la publication. En effet, il semblerait d’après des études d’imagerie, que la péri et la post-ménopause s’accompagnent d’un hypométabolisme cérébral, d’une diminution du volume cérébral et d’une augmentation des dépôts de protéine bêta Amyloïde (BA). Il y aurait donc une fenêtre d’opportunité précoce, propre à la femme, au moment de ces perturbations endocriniennes. Il serait dommageable qu’une interprétation trop rapide de cet article inquiète encore davantage les femmes et les prive d’un traitement susceptible de modifier la trajectoire d’un éventuel risque de maladie d’Alzheimer ultérieure, s’il est pris dans les 5 ans après le début de la ménopause ou au mieux en phase de transition ménopausique ».
A noter enfin, que ces résultats concernent principalement des femmes traitées par voie orale alors qu’en France, les THM sont essentiellement administrés par voie transdermique.
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