En fin de semaine dernière, le Comité consultatif d’éthique s’est déclaré jeudi favorable à l’utilisation des nouveaux tests de séquençage de l’ADN fœtal prélevé dans le sang maternel dans le cadre du diagnostic anténatal de la trisomie 21. Ce test n’a pas actuellement la fiabilité d’un test diagnostic au même titre que le caryotype réalisé sur cellules fœtales issues d’amniocentèse ou de biopsie de trophoblaste. C’est un élément supplémentaire du dépistage combiné actuel qui permet de réduire de 90 % le taux de recours à l’amniocentèse.
En effet, le dépistage actuel, proposé systématiquement à toutes les femmes enceintes (et que 85 % d’entre elles choisissent de réaliser) repose, depuis 2009, sur une stratégie dite combinée. Une échographie et un dosage de deux marqueurs sanguins sont d'abord effectués avant la 12e semaine d’aménorrhée. En fonction de leurs résultats et de l'âge de la mère, un logiciel évalue la probabilité d'anomalie chromosomique. Les sages du CCNE recommandent de proposer le séquençage de l’ADN fœtal à partir d’un prélèvement de sang maternel aux plus de 24 000 femmes dont le risque est jugé important (supérieur à 1/250) à l’issue de cette évaluation. Actuellement, un résultat positif de ce test ADN nécessiterait une confirmation par un caryotype. Un résultat négatif dispenserait en revanche d'examen diagnostique invasif. Dans 5 % des cas, le résultat du test est encore ininterprétable, et nécessiterait de réaliser un caryotype.
Éviter des examens invasifs
« Une amniocentèse est proposée chaque année à plus de 24 000 femmes enceintes, dont le résultat est négatif chez 23 000 d’entre elles. Or, ces amniocentèses sont invasives et provoquent de 100 à 250 fausses couches. Avec le nouveau test ADN, on réduirait le nombre d’amniocentèses à 2000 amniocentèses au lieu de 24 000. On éviterait ainsi chaque année un examen invasif à plus de 22 000 femmes enceintes», explique le Pr Jean Claude Ameisen (président du CCNE). C’est très tôt au cours de la grossesse, avant la quatorzième semaine d’aménorrhée, délai légal d’une demande d’interruption volontaire de grossesse (IVG), que les tests fœtaux sur sang maternel peuvent être effectués, ce qui conduit le CCNE à les qualifier de tests « ultra-précoces » et à souligner les problèmes éthiques liés à cette précocité.
Voilà un avis très attendu et qui devrait faire date dans la discussion parfois vive entre adversaires et partisans du diagnostic anténatal de la trisomie 21. Les premiers ayant engagé une action devant la Cour européenne des Droits de l’Homme au nom de la protection du droit à la vie des personnes trisomiques et handicapées. Les seconds, au premier rang desquels le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français), militent pour la réduction du nombre d’amniocentèses non dénuées de risque. Et le Pr Ameisen semble faire la synthèse des deux positions quand il précise : « Nous soulignons les questions éthiques posées par la démarche actuelle de proposition de diagnostic anténatal de la trisomie 21. Mais dans le cadre actuel, il nous paraît important que les femmes soient exposées à un minimum de risques d’effets secondaires graves dus à des examens invasifs. » Les "sages" plaident pour la « prise en charge [de ce test] par la solidarité nationale, à supposer que le coût en soit devenu acceptable ». La balle est désormais dans le camp des sociétés savantes qui doivent fixer les normes d’utilisation du test. « On a peu de structures qui réalisent le séquençage à haut débit pour l’instant en France, et il y en a du reste peu dans le monde, commente le Pr René Frydman (Hôpital Foch, Suresnes). Ce n’est donc pas à ce jour encore un examen de pratique courante. Sans compter que des études complémentaires sont nécessaires avant de fixer le protocole de réalisation du test dans le cadre du diagnostic prénatal non invasif de la trisomie 21. »
Mais au-delà de la stratégie de diagnostic anténatal de la trisomie 21, c’est aussi l’accès au séquençage entier du génome fœtal qui interroge les sages. Actuellement les tests sont fondés sur le séquençage partiel du chromosome 21. Or le séquençage de l’ensemble de l’ADN est une possibilité dont la réalisation sera bientôt moins onéreuse. Dès lors, « on changerait radicalement les conditions du conseil génétique » précise le Pr Ameisen. On passerait d’une démarche ciblée à une démarche de screening génétique systématique. Or comment interpréter des anomalies génétiques dont personne ne sait si elles déterminent l’expression d’une pathologie ? Et les femmes enceintes disposeraient-elles d’un choix éclairé quand on leur annoncerait que leur enfant à naître risquerait d’être atteint d’un handicap alors qu’il ne pourrait pas bénéficier d’un accueil sociétal correct ? « La normalité humaine n’englobe(rai)t ?elle donc pas le handicap et la maladie ? » interrogent les sages.
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