Encourageant mais doit faire ses preuves. Pour le corps médical, c’est une certitude : passer des objets connectés de santé (souvent utilisés dans le domaine du bien-être) à des solutions médicales prescrites et intégrées dans le parcours de soins demandera du temps.
« Les objets connectés sont en pleine crise d’adolescence », résume le Dr Loïc Étienne, président de Medical Intelligence Service. « Ce qui fait peur aux médecins, c’est de voir les patients acheter des objets santé connectés dans les grandes surfaces, ajoute le Dr Éric Couhet, fondateur de la communauté web "Connected Doctors". Cela les renforce dans leur conviction d’avoir affaire à des solutions gadgets. Ils ne peuvent pas adhérer à ce genre de démarche ». Le message est clair : nombre de praticiens n’ont ni le temps ni l’envie de se transformer en coaches numériques.
Des garanties avant de basculer
La vente en pharmacie de produits connectés à visée médicale apparaît comme un préalable, mais encore insuffisant pour que la santé connectée s’invite durablement en consultation. « Il faut que les fabricants soient à la fois plus ambitieux et vertueux en proposant aux médecins de véritables dispositifs médicaux, c’est-à-dire des solutions élaborées en coordination avec les autorités savantes, à l’image de ce qui a pu se faire dans le développement de certains tensiomètres », argumente le Dr Couhet.
Autres préoccupations centrales pour les médecins : la sécurisation du stockage des données de santé collectées par ces objets, et l’interopérabilité des solutions incluant l’intégration aux logiciels métier. « Quand les médecins auront ces garanties, ils sauteront à deux pieds dans cette révolution numérique », veut croire le Dr Couhet qui voit en cette santé interconnectée le socle d’une « médecine 3.0 »
Le Dr Nicolas Postel-Vinay, praticien à l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) et fondateur du site automesure.com, reste prudent. « Il faut garder les pieds sur terre à propos de la possibilité pour un médecin d’aborder la connexion des objets en dehors du phénomène de mode, estime-t-il. Je ne vois pas comment les médecins auraient le temps de prescrire des objets connectés. Quant aux paramédicaux, ils ne peuvent pas devenir des techniciens des smartphones ».
Pour les patients, une appropriation progressive
Au cœur de la philosophie de la santé connectée, le « quantified self » (mesure de ses propres données) permettra-t-il de responsabiliser le patient pour préserver son capital santé ? De l’avis des experts, l’objet seul ne suffit pas, le niveau d’engagement est prépondérant. Pour Frédéric Faurennes, président de la société IDS santé, « l’automesure permet de faire évoluer les comportements » des patients. « Mais ce n’est pas de la magie noire car ne changent que les personnes qui ont envie de changer », précise-t-il.
Lorsqu’il s’agit de perdre du poids, le partage sur les réseaux sociaux et avec l’entourage peuvent être des éléments clés de la réussite d’une démarche santé. Problème : si elle offre des promesses pour le suivi des malades chroniques, la santé connectée séduit surtout à ce jour des personnes en bonne santé.
L’interprétation des données est un autre enjeu. L’absence de regard expert peut entraîner la lassitude du patient. « Une donnée de santé n’a de valeur qu’à partir du moment où elle est confrontée à l’anamnèse », insiste le Dr Loïc Étienne.
Le marché de demain ?
Pour les laboratoires, la santé digitale est un enjeu stratégique qui provoque l’effervescence du secteur.
« Avec les objets connectés et les datas, nous sommes dans une nouvelle ère du digital, à l’image de ce que l’on a connu au début des années 2000 avant la bulle internet », explique Vincent Varlet, directeur exécutif marketing et formation chez Novartis. « La santé digitale, c’est de l’investissement comme on le fait aujourd’hui dans les molécules, car c’est le marché de demain », soutient Sylvain Bergeron, digital marketing manager au sein de Pfizer France.
Certaines firmes pharmaceutiques ont pris conscience des perspectives offertes par les géants du web (Google, Apple, Facebook, Amazon). Des partenariats stratégiques sont déjà en place (Johnson&Johnson avec Google dans le domaine de la robotique, avec Novartis pour développer des lentilles connectées).
« Even Elephants Do It », une pièce en l’honneur de Cécile Winter, médecin engagée contre le Sida
« Deep Learning Amnésie Profonde », une pièce qui interroge sur le lien entre Alzheimer et nouvelles technologies
Dr Chloë Ballesté, université de Barcelone : « Dans les hôpitaux espagnols, le don et la greffe sont prioritaires »
Don d’organes : comment faire reculer l’opposition ?