Décrite pour la première fois en 1997, dans un magazine de yoga (1) par Steven Bratman, un médecin californien intéressé par l’alimentation et la médecine alternatives, l’orthorexie est un trouble caractérisé par une restriction alimentaire concernant non pas la quantité, mais la qualité de la nourriture, avec une obsession pour manger « sain » et pouvant conduire à une altération majeure de la vie sociale ou un état de carence voire, dans les cas extrêmes, de dénutrition sévère. Elle n’est pas à ce jour répertoriée dans les classifications des troubles mentaux, qu’elle soit mondiale (CIM 10, 1994) ou américaine (DSM V, 2013).
Depuis 2014, ce trouble fait l’objet de plusieurs publications chaque année, alors qu’il était resté rare dans la littérature scientifique, jusqu’à ce que Jordan Younger, une jeune newyorkaise blogueuse influente (actuellement 182 000 abonnés sur Instagram) révèle souffrir d’un trouble du comportement alimentaire de ce type. S’agit-il d’anorexie mentale ? Le flou diagnostic autour de l’orthorexie interdit toute conclusion.
Un flou diagnostic
Pour rappel, dans la dernière classification (le DSM V [2]), l’anorexie mentale est définie par l’association de trois critères : dénutrition, peur phobique de prise pondérale et distorsion du schéma corporel.
Dans les critères proposés de l’orthorexie (3), la dénutrition est un item possible, mais non indispensable au diagnostic (une complication éventuelle), alors que peur phobique de prendre du poids et distorsion du schéma corporel ne sont pas définies comme des items du diagnostic, sans pour autant qu’ils soient définis comme des critères d’exclusion.
De plus, manger « sain » est défini de façon tout aussi floue : cela peut concerner les graisses et les calories mais pas nécessairement. Cela peut recouvrir, même plus souvent, une obsession pour le bio, pour le végétarisme…
Une expression culturelle ?
L’orthorexie reflète-t-elle tout simplement l’incapacité du médecin à percevoir le déni de la volonté de maigrir, ou bien au contraire l’émergence d’une nouvelle expression culturelle de l’anorexie mentale ? En effet, au Moyen-Âge (l’ascèse mystique et la sainte anorexie), comme à la fin du XIXe siècle (les premières descriptions médicales), ou encore actuellement en Asie (les « non-fat phobia »), distorsion du schéma corporel et peur phobique de prendre du poids sont absentes des descriptions d’anorexie mentale.
Psychiatre (Paris)
(1) Bratman, S. The health food eating disorder. Yoga Journal (September/ October) 1997;42–50
(2) American Psychiatric Association. DSM-5 : diagnostic and statistical manual of mentaldisorders 2013, 5e édition. Washington D.C. American Psychiatric Association
(3) Dunn TM, Bratman S. On orthorexia nervosa: A review of the literature and proposeddiagnostic criteria. Eating Behaviors 2016;21:11–7
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