C’est l’Ordre des médecins qui, le premier, a utilisé ce terme « d’ubérisation » de la santé.
« Nous l’avons fait en allusion bien sûr aux taxis Uber et aux VTC. On a vu que, dans ce secteur, une offre concurrentielle pouvait intéresser une partie de la clientèle et impacter l’activité des sociétés de taxis. Et aujourd’hui, on voit qu’émergent de nouvelles offres dans le domaine de la santé, notamment des téléconseils personnalisés ou des téléconsultations, qui se développent en dehors du parcours de soins », constate le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil de l’Ordre.
Cela fait plusieurs mois que l’instance ordinale suit de près le développement d’un certain nombre de services sur Internet, délivrant des conseils ou un deuxième avis aux patients. « Il y a un clairement une demande des usagers pour ce type de services. Les téléconseils personnalisés, par exemple, visent à répondre à des patients qui, à un moment, se retrouvent face à un problème de santé qui génère chez eux de l’inquiétude. Peu importe que cette inquiétude soit ou non justifiée. Cette inquiétude existe et les patients souhaitent une réponse rapide à leurs interrogations. Et le rôle de l’Ordre est de s’assurer que ces nouvelles pratiques sont conformes à l’éthique médicale et à la responsabilité professionnelle », souligne le Dr Lucas.
Intégrer ou ne pas intégrer ?
Ces téléconseils ou téléconsultations ont lieu, le plus souvent, en dehors du parcours de soins coordonné du patient. « Une des questions est de savoir ces nouveaux services doivent être intégrées dans le parcours avec un engagement de l’assurance-maladie obligatoire dans le cadre de la réglementation sur la télémédecine. C’est une question importante et éminemment politique. Car on voit l’intérêt des assureurs complémentaires ou privés pour ce type de services », souligne le Dr Lucas. Selon lui, il faudrait modifier le décret de 2010 sur la télémédecine pour que ces nouveaux services puissent être inclus dans le parcours. « On pourrait imaginer que ces conseils médicaux personnalisés puissent devenir un acte de télémédecine à part entière », indique le responsable ordinal.
L’essor de ces services en ligne est également suivi avec attention par Magali Léo, chargée de mission au Collectif inter-associatif pour la santé (CISS). « Ces services de e-santé pourraient devenir de plus en plus nombreux sous l’impulsion des complémentaires et des assureurs privés. Et si cela n’est pas encadré, il y a un risque réel de voir se mettre en place une médecine hors-parcours et même hors convention. »
Une crainte partagée par le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF : « Ce mouvement d’ubérisation s’inscrit dans un mouvement plus large de numérisation de notre société. Et c’est bien évidement les patients ayant les moyens qui peuvent se payer des conseils médicaux ou un deuxième avis à 295 euros. Il faut mettre des garde-fous car sinon, on pourrait voir se désagréger notre système de santé solidaire », ajoute le président de la CSMF.
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