Quand les chercheurs de l'école de médecine Ichan du Mont Sinaï (ISMMS), à New York, se lancent dans l'exploitation de « big data » dans leurs recherches sur les liens entre maladie de Parkinson et syndrome du côlon irritable, ils ne font pas les choses à moitié ! Ils ont passé à la moulinette les données de pas moins de 170 millions d'assurés sociaux américains. Leurs résultats publiés dans le « JAMA Neurology » mettent en évidence une surreprésentation des patients atteints de la maladie de Parkinson parmi ceux souffrant d'un syndrome du côlon irritable. L'étude montre au passage que la prise d'anti TNF est associée à une diminution du surrisque de Parkinson chez les patients atteints de colopathie fonctionnelle.
Au sein de cette masse d'informations, le Pr Inga Peter et ses collègues du département de génétique et de science génomique de l'ISMMS ont sélectionné 144 018 patients, chez qui un diagnostic de colopathie fonctionnelle a été posé au moins 2 fois et bénéficiant d'au moins 6 mois de suivi après le diagnostic. Ils ont été comparés à 720 090 autres patients rassemblés au sein d'un groupe contrôle.
Une baisse de 78 % du risque
Les auteurs ont relevé que 1 796 patients souffrant de colopathie fonctionnelle ont également développé une maladie de Parkinson au cours du suivi, soit un risque augmenté de 28 % par rapport aux patients issus du groupe contrôle. Les auteurs ont également constaté, chez les patients atteints d'un syndrome du côlon irritable, que la prise d'anti-TNF était associée à une diminution de 78 % du risque de développer une maladie de Parkinson (0,008 cas pour 1 000 patient-années contre 0,76 pour 1 000 patient-années).
Si l'étude américaine publiée dans le « JAMA » ne permet pas de prouver un lien de causalité, les auteurs suggèrent néanmoins que « ces résultats suggèrent l'existence d'un rôle de l'inflammation systémique dans la physiopathologie de ces deux maladies ». Ils évoquent une implication possible du gène LRRK2, dont l'expression a un effet pro-inflammatoire, dans les deux pathologies. L'inflammation, initiée dans l'intestin des patients, mettrait plusieurs années à atteindre le système nerveux, et favoriser l'apparition d'une maladie neurodégénérative. « Des essais cliniques évaluant l'effet des anti TNF chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ont donné des résultats prometteurs, poursuivent les auteurs. Aucun essai de ce genre n'a pour l'heure été tenté chez des patients atteints de la maladie de Parkinson. »
Essor et limites du « big data »
Ce n'est pas la première fois que le big data est mis à profit dans le domaine de la maladie de Parkinson. En septembre 2017, des chercheurs de Harvard avaient utilisé les données de 4 millions de Norvégiens sur une période de 11 ans, pour montrer que la prise du Salbutamol (un agonistes β2-adrénergique indiqué dans le traitement de l'asthme) était associée à une réduction du risque de maladie de Parkinson.
« Ces essais virtuels visant à trouver de nouvelles indications pour de vieux traitements sont un moyen incroyablement puissant pour générer de nouvelles hypothèses », commentent les Drs Abby Olsen et Clemens Scherzer ainsi que le Pr Trond Riise, de l'hôpital général du Massachusetts, dans un éditorial associé. Cette approche présente tout de même des limitations : 371 patients de l'étude ont cumulé colopathie fonctionnelle et maladie de Parkinson, dont seulement 2 dans le groupe ayant pris des anti TNF, ce qui constitue une limite statistique. Par ailleurs, la surreprésentation des hommes parmi les malades fait que le rôle protecteur des anti TNF n'a été observé que chez ces derniers, et pas chez les femmes.
Les auteurs ne disposaient pas non plus de données sur l'environnement des patients. « De tels résultats doivent être interprétés avec précaution, et complétés avec des études menées sur les mécanismes et, éventuellement, des essais cliniques », concluent les éditorialistes.
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