Invités au café Nile à Paris à débattre de l'avenir de la télémédecine, David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), et Séverine Grégoire, cofondatrice de la plateforme de téléconseil médical mesdocteurs.com, ont chacun dans leur registre souligné la nécessité de passer à la vitesse supérieure en matière de télémédecine.
Séverine Grégoire a fait part des difficultés, notamment réglementaires rencontrées pour développer son activité. Fondé en 2015, le site mesdocteurs.com propose un service payant de téléconseil médical en ligne (Web et mobile). Aujourd'hui, 165 médecins généralistes ou spécialistes partenaires (issus de 12 spécialités), inscrits à l'Ordre national, sont disponibles pour répondre aux questions des patients 24h/24 et « en moins de 15 min », affirme-t-elle. Après les pédiatres, gynécologues, dermatologues et psychiatres, les utilisateurs ont accès à des addictologues, hématologues ou encore rhumatologues, revendique le site.
Casse-tête des démarches
Prochain objectif de la plateforme : la téléconsultation médicale (un des champs balisés de la télémédecine). Mais les démarches administratives (contractualisation auprès des ARS, avis de la CNIL) sont « un processus long », souligne Séverine Grégoire. Cette « double difficulté » est jugée pénalisante. « Si l'on n’obtient pas des résultats rapidement, une start-up peut avoir une durée de vie très courte », résume-t-elle.
Concernant la rémunération des médecins, Sévérine Grégoire fait valoir que les praticiens ne sont pas salariés de la start-up. « Le médecin est rémunéré à la prestation intellectuelle. MesDocteurs paie les médecins aux contenus qu'ils fournissent sur le site web », commente-t-elle.
Il n'empêche que les plateformes de téléconseils payants hors parcours de soins se développent dans une zone grise juridique. Actuellement, l'article 53 du code déontologie médicale interdit à un médecin de toucher des honoraires pour des avis ou conseils téléphoniques.
En février dernier, l'Ordre des médecins s'était prononcé pour une modification de l'article 53 du code de déontologie médicale afin d'intégrer le « téléconseil personnalisé en tant que forme particulière de téléconsultation lorsque cette activité médicale, de pratique quotidienne croissante, est clairement intégrée et tracée dans la prise en charge ou le suivi du patient », note-t-il.
L'Ordre avait également réclamé aux pouvoirs publics de préciser les responsabilités juridiques encourues par ces sociétés intermédiaires.
L'hôpital à la recherche d'un modèle économique pérenne
De son côté, David Gruson (FHF) a insisté sur la nécessité de déverrouiller le modèle économique de la télémédecine et de construire un mode de financement pérenne et de confiance. Selon la FHF, la télémédecine doit être l'une des priorités du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2017.
« Il n'y a pas aujourd'hui de modèle de financement à l'activité de télémédecine. On est sur des leviers de financements forfaitaires alors que l'on pourrait définir un modèle économique permettant de solvabiliser cette activité tout en montrant qu'elle est efficiente pour les financeurs », explique-t-il.
Il s'est appuyé sur l'exemple des flux d'évacuation sanitaire entre Mayotte et le plateau technique du CHU de la Réunion. « Il faut compter le transport sanitaire de Mayotte, l'avion, l'hébergement, l'hospitalisation. On s'est aperçu qu'une partie de ce flux pouvait être évitable grâce à la téléconsultation », témoigne-t-il. L'ancien directeur général du CHU de la Réunion avait estimé une économie potentielle « de 2 à 4 millions d'euros » grâce au déploiement de la téléconsultation pour réguler ce flux sanitaire. « Deux années ont été nécessaires pour convaincre l'ARS de déclencher une expérimentation pour tester un modèle économique de téléconsultation en 2016 », détaille-t-il.
Les deux invités estiment que si des efforts ne sont pas réalisés rapidement, des entreprises étrangères échappant à tout contrôle réglementaire profiteront de cette situation pouvant conduire à une « télémédecine à deux vitesses ».
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