Quand le géant de la distribution en ligne Amazon, la banque JPMorgan Chase et la holding de l'investisseur milliardaire Warren Buffett (Berkshire Hathaway), trois mastodontes de l'économie américaine, unissent leurs dollars… c’est ni plus ni moins pour créer un système de protection sociale pour leurs employés américains !
Les trois groupes, qui ont généré près de 440 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2016, ont annoncé fin janvier ce partenariat inédit en réponse à l'explosion des coûts de santé aux États-Unis (18 % du PIB américain) , et alors que le démantèlement programmé d'Obamacare réclamé par Donald Trump fait polémique depuis un an.
Cette assurance santé commune prendrait la forme d'une nouvelle société indépendante « à but non lucratif », assurent les trois entreprises. Misant à fond sur les nouvelles technologies, elle intégrera des solutions de e-santé – comme la télémédecine, les dossiers numériques ou la prise de rendez-vous en ligne – afin de « simplifier » la vie de leurs employés et d'accroître la transparence, le tout à un coût promis comme « raisonnable ».
Car c'est bien l'objectif affiché : optimiser la prise en charge (des employés des trois multinationales dans un premier temps) en réduisant les coûts de santé que Warren Buffett, 87 ans, qualifie de « ver qui ronge l'économie américaine ». Cette ambition de régulation des dépenses ne s'annonce pas facile « mais elle en vaut la peine », affirme Jeff Bezos, président et fondateur d'Amazon.
Force de frappe
Au-delà de l'effet d'annonce, le fonctionnement de ce nouvel assureur à but non lucratif reste très flou. Aux États-Unis, où près de la moitié de la population (48 %) est assurée par le biais de son entreprise, beaucoup de sociétés gèrent déjà l'assurance leurs employés et contractualisent avec un réseau de médecins et d'hôpitaux, sans empêcher la dérive des dépenses.
Mais le poids des trois groupes change la donne par un effet de masse et de lobbying. « Ils ont une position de négociation plus forte, analyse Victor G. Rodwin, professeur spécialiste des politiques de santé à l'Université de New York. Quand Amazon ou JPMorgan Chase parlent aux industries pharmaceutiques, celles-ci doivent les écouter, car elles peuvent dépendre d'eux pour distribuer leurs produits ou même obtenir des prêts bancaires. » Cette puissance de négociation directe (sans passer par des intermédiaires) associée au nombre de salariés des trois firmes – environ un million de personnes en 2016 – permettra de négocier des prix « très intéressants » sur des produits pharmaceutiques ou même sur les tarifs des meilleurs hôpitaux, juge cet expert.
Trump et les initiatives privées
La tâche s'annonce plus compliquée pour étendre cette assurance intégrée à « tous les Américains », comme l'imagine déjà Jamie Dimon, président de JPMorgan Chase. « Si ce système de protection est coté en Bourse, ce qui est probable vu les trois entreprises fondatrices, il aura des incitations à grandir et à faire payer aux petits employeurs et aux assurés individuels des primes plus élevées pour soutenir la meilleure qualité de service », parie Victor G. Rodwin.
Cette offensive spectaculaire du monde de l'entreprise intervient dans un contexte de turbulences autour du système de santé américain – d'où l'intérêt qu'elle suscite. Près de 9 % de la population reste sans couverture santé, tandis que Donald Trump s'acharne à détricoter la réforme emblématique de l'assurance santé dite Obamacare. « Les Républicains sont toujours en faveur des initiatives venant du privé, analyse Nicole Bacharan, politologue et spécialiste de la société américaine. Et les démocrates, eux, sont contents de voir que le travail de démolition de l'Obamacare entrepris par Trump est en quelque sorte contré ». Dans leur combat pour baisser les coûts de santé, les trois géants de l'économie pourraient donc trouver des soutiens plus importants que prévu…
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