Déminer le terrain pour s'assurer les conditions d'un « débat apaisé », telle a été la stratégie adoptée par le gouvernement en amont de l'ouverture des débats sur la loi de bioéthique.
Avant que la commission spéciale de l'Assemblée nationale ne commence l'examen des 32 articles du projet de loi, ce 10 septembre, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé deux modifications concernant les modalités d'établissement de la filiation des enfants nés par assistance médicale à la procréation (AMP) dans un couple de femmes. La garde des Sceaux s'exprimait devant les députés de la commission spéciale de l'Assemblée nationale ce 9 septembre, aux côtés de la ministre de la Santé Agnès Buzyn et de la ministre de la Recherche Frédérique Vidal.
Proche de la reconnaissance anticipée de paternité
Selon la nouvelle mouture du texte, les couples de femmes passeront par une reconnaissance anticipée de l'enfant, « au plus proche » du modèle de la reconnaissance anticipée de paternité pour le père d'un enfant né d'un couple hétérosexuel non marié, a explicité Nicole Belloubet. Cette reconnaissance anticipée sera établie devant notaire (et non à la mairie, comme c'est le cas pour les pères), en même temps que sera signé le consentement à une procédure d'AMP (obligatoire aujourd'hui pour les couples hétérosexuels). L'acte intégral de naissance portera la date de la reconnaissance par les mères, devant notaire, sans aucune mention de l'AMP, a précisé Nicole Belloubet. Un dispositif destiné à « sécuriser les deux mères, qui seront toutes les deux mères sans distinction, sans hiérarchie, et à sécuriser les enfants », a-t-elle insisté.
Seconde modification, technique et symbolique : la filiation des enfants de couples de femmes fera partie du même article du Code civil que celles des enfants d'hétérosexuels nés par AMP.
Changement de paradigme
Ce nouveau dispositif remplace la « déclaration anticipée de volonté », vilipendée par les associations et les juristes. « Nous avons entendu les craintes », a dit Nicole Belloubet, tout en se défendant de vouloir faire d'une distinction, une stigmatisation ou une discrimination. Ce nouveau mécanisme crée « un nouveau mode d'établissement de la filiation fondé sur la volonté et sur l'engagement conjoint de deux femmes, et non sur la ressemblance biologique », a-t-elle poursuivi. Soit un changement de paradigme.
La mesure a été saluée par la rapporteure chargée de la filiation Coralie Dubost (LREM), et contestée par les deux députés LR Thibault Bazin et Xavier Breton, qui ont dénoncé une réécriture de dernière minute.
Le reste des discussions qui se sont déroulées dans une ambiance feutrée jusqu'à une heure du matin, a permis aux ministres de repréciser les contours de la loi de bioéthique (qui ne devrait pas inclure la fin de vie, la situation des intersexes, ou encore la GPA). Les ministres Agnès Buzyn et Frédérique Vidal ont tenu à rassurer les députés sur l'encadrement des recherches sur les embryons et le maintien d'un cadre médical pour les tests génétiques (en particulier, le dépistage pré-implantatoire).
La commission spéciale de l'Assemblée nationale entame ce 10 septembre l'examen du projet de loi et des quelque 2 000 amendements déposés (pour moitié, par le groupe LR). La loi sera ensuite discutée en séance publique à l'Assemblée entre le 24 septembre et le 9 octobre, avant un passage au Sénat en janvier.
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