Quel monde, quelle éthique voulons-nous aujourd'hui, pour demain ? Le Pr Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d'éthique (CCNE), a officiellement lancé ce 18 janvier les États généraux de la bioéthique.
Ces états généraux préfigurent la troisième révision des lois de bioéthiques, initialement adoptées en 1994, après celle de 2004 (qui créée l'agence de la biomédecine, encadre la thérapie cellulaire, interdit le clonage…) et celle de 2011 (qui autorise le don croisé d'organes, la vitrification ovocytaire, et l'ouverture encadrée des recherches sur l'embryon en 2013).
Les thèmes abordés sont très larges. Très attendues, des discussions auront lieu sur l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seuls (sujet auquel le CCNE a consacré son avis 126, en juin 2017). Dans son sillage, seront posées les questions autour du principe de gratuité des dons, l'anonymat du donneur de gamètes, mais aussi l'autoconservation ovocytaire, ou encore la gestation pour autrui. Autre sujet qui émane d'une demande sociétale, la fin de vie et la légalisation de l'assistance.
Mais ces sujets très médiatiques ne devraient pas occulter d'autres enjeux qui s'imposent au regard des progrès scientifiques et technologiques récents, espère le Pr Jean-François Delfraissy : les recherches sur l'embryon, le séquençage du génome (que le CCNE a évoqué dans son avis 124) et sa modification à l'aide des ciseaux CRISPR-cas9, les dons et transplantations d'organes (et la question du recueil du sang du cordon), les big data (qui remettent en cause le principe du consentement libre et éclairé), l'intelligence artificielle et la robotisation, les neurosciences et la santé environnement (voir l'avis 125 sur biodiversité et santé). « Les avancées scientifiques sont plus rapides qu'avant, la science tourne plus vite », commente le Pr Delfraissy.
Prendre le pouls de la société
« Nous voulons un travail serein, qui fasse éclore l'intelligence collective, dans la plus grande neutralité, et que le débat ne soit pas confisqué par les extrêmes », a souhaité le président du CCNE. « C'est un enjeu inédit, que de mettre en place un exercice de démocratie participative », a enchéri le Pr Aubry. Pour ce faire, le CCNE a décidé de multiplier les outils pour prendre le pouls de la société, et entendre les interrogations de tous les citoyens.
Un site web dédie aux États généraux sera mis en ligne début février, pour transmettre des informations et surtout recueillir l'expression de chacun. Plus d'une soixantaine de débats citoyens, ouverts au public, seront organisés par les espaces éthiques régionaux au cours du premier trimestre 2018. Par exemple, l'Alsace et la Martinique débattront de la prise en charge des personnes âgées ou handicapées, l'Auvergne, des objets connectés, des neurosciences, de la liberté d'aller et venir. Les Hauts-de-France plancheront sur la médecine personnalisée, la Nouvelle Aquitaine s'intéressera à la santé environnement et la fin de vie, etc. Par ailleurs, des rencontres seront organisées à destination des lycéens. Chaque débat fera l'objet d'une synthèse transmise au CCNE.
En outre, les membres du CCNE (dont presque la moitié vient d'être renouvelée) prévoient de mener au moins une centaine d'auditions de sociétés savantes, d'associations, et d'organisations confessionnelles, à leur demande, à partir de mi-février. Et de lire l'expertise des comités éthiques des instituts de recherche, des académies, et des institutions, comme l'Agence de biomédecine.
Enfin, comme le prévoit la loi de 2011, un « comité citoyen des États généraux », constitué d'un échantillon d'une vingtaine d'individus représentatifs de la population française, sera chargé (fait inédit) de formuler un avis critique tout au long des États Généraux. Il remettra son avis et ses recommandations au CCNE, des documents accessibles au grand public.
Avis du CCNE en juin, projet de loi à l'automne
Le CCNE rendra à l'office parlementaire des d'évaluation des choix scientifiques et technologiques un rapport de synthèse en juin 2018, accompagnée de l'avis du comité citoyen, afin d'éclairer les acteurs qui porteront la révision de la loi de bioéthique. Un évènement national, « probablement sous l'égide du Président de la République » se tiendra en juillet. Puis le CCNE sortira de son rôle de « synthétiseur », pour rendre en son nom un avis sur les priorités qui pourraient figurer dans la loi.
Dès septembre 2018 s'ouvrira le temps politique de la constitution de la loi, avec présentation d'un projet de loi par le gouvernement au Parlement, et discussion, avant son adoption au premier semestre 2019.
« Nous ouvrons largement le périmètre des débats, mais c'est aux politiques et aux législateurs de décider du périmètre de la loi », insiste le CCNE.
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