Si la contribution du CCNE à la révision de la loi de bioéthique n'a pas fait l'unanimité - impossible ! - sur les sujets sociétaux que sont l'assistance médicale à la procréation (AMP) et la fin de vie, il devrait davantage contenter les spécialistes de la reproduction, de la génétique, de la biomédecine ou des soins palliatifs, dont il rejoint les préoccupations.
Le CCNE propose de revenir sur la loi de 2011 révisée en 2013 qui encadre la recherche sur l'embryon et sur les cellules-souches embryonnaires, les plaçant sous le même régime de l'autorisation encadrée et plaide pour une distinction entre deux régimes juridiques, correspondant à deux champs de recherche différents.
CRISPR pour la recherche
Le premier champ de la recherche, sur les embryons surnuméraires, issus d'une procédure d'une fécondation in vitro dont le projet parental a été abandonné, « est très important pour la connaissance du développement précoce de l'embryon humain », a rappelé Laure Coulombel, chercheuse à l'INSERM. Le CCNE considère donc justifiée l'autorisation de cette recherche et se dit favorable à la possibilité de modifier le génome, notamment grâce à la technique CRISPR, dans le cadre exclusif de la recherche (sans transfert ultérieur ni but thérapeutique). Il demande que soit clarifiée la limite temporelle au temps de culture de l'embryon, remet en cause les actuels pré-requis à la recherche - finalité médicale et absence d'alternative -, et persiste dans l'interdiction de la création d'embryons pour la recherche.
Le second champ de recherche, qui utilise des lignées de cellules-souches pluripotentes, qu'elles soient embryonnaires (issus d'un embryon, propagées en culture incapables de se développer par elles-mêmes en embryons) ou IPS (pluripotentes induites), devrait sortir du régime juridique de l'embryon et tomber sous le coup d'une simple déclaration. En revanche, il faudrait alors encadrer les applications sensibles, liées à la pluripotence de ces cellules (par ex., la création d'embryons chimériques, via l'insertion de CSEh dans un embryon animal), sous la responsabilité d'une instance multidisciplinaire ad hoc.
Autant de propositions que le Pr Samir Hamamah, chef du département de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier et directeur d'unité INSERM juge « excellentes » pour encourager la recherche qui pâtit aujourd'hui de longs délais : « 18 à 24 mois entre l'idée et la réalisation d'un projet », explique-t-il.
Dépistage préconceptionnel
Le CCNE se prononce en faveur d'une proposition de dépistage préconceptionnel prise en charge par la sécu, à toutes les personnes en âge de procréer qui le demanderaient après une consultation spécialisée, pour rechercher un panel de mutations responsables de pathologies monogéniques graves (et non aux gènes de prédisposition) dont la liste restreinte serait établie par l'ABM, voire des gènes actionnables.
Le CCNE recommande l'extension du diagnostic préimplantatoire à la recherche d'aneuploïdies pour les couples ayant recours au DPI et pour certains couples infertiles, une proposition applaudie par la Pr Rachel Lévy, de la Fédération nationale des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'œuf (BLEFCO).
Le Comité plaide pour le développement des approches de dépistage prénatal non invasif (DPNI) sur le sang de la mère et des recherches élargissant la validité des résultats de ces tests à un nombre supérieur de maladies génétiques.
Il se positionne aussi en faveur de l'élargissement du dépistage néonatal à la détection des déficits immunitaires héréditaires pour favoriser une prise en charge plus précoce.
Si le CCNE reste hostile aux tests récréatifs, interdits en France, il envisage d'examiner en profondeur la pertinence d'une extension du dépistage génétique à la population générale, dans une perspective de prévention médicale, sur la base d'une étude pilote. Et souhaite la création d'un statut pour les conseillers en génétiques et la rédaction de consentements élargis.
Le Pr Alain Fischer loue la « sagesse » du CCNE qui « va dans un sens raisonnable, convergent avec celui de la communauté scientifique, et qui a su adapter les règles éthiques en fonction des connaissances scientifiques ». « Il faudra revenir sur ces sujets, prévoit-il, notamment sous la pression du monde anglo-saxon autour des modifications génétiques thérapeutiques. »
Ouverture de l'AMP et de l'autoconservation ovocytaire à toutes les femmes
Concernant la procréation, le CCNE reprend dans les grandes lignes son avis 126 sur l'assistance médicale à la procréation (tout en insérant une position minoritaire). Il reste favorable à l'ouverture de l'AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, en appelant à anticiper les conséquences de cette évolution sur les CECOS ; et persiste dans son opposition à la gestation pour autrui.
En revanche, il revient sur ses réticences à l'égard de l'autoconservation ovocytaire hors cadre médical et suggère de « la proposer sans l'encourager à toutes les femmes qui le souhaitent après avis médical ». Il préconise aussi une possible levée de l'anonymat des futurs donneurs de sperme en appelant à réfléchir aux modalités, et l'autorisation d'une AMP en post mortem lorsqu'il y a un embryon cryoconservé et un projet parental.
La Pr Levy, aussi chef du service de biologie de la reproduction - CECOS de Tenon (AP-HP), salue ces propositions en insistant sur l'accompagnement des CECOS et centres d'AMP, dont les besoins matériels et humains vont croître, notamment en effectifs de psychologues. Le Pr Hamamah, lui, regrette l'absence de débat sur une GPA pour indications médicales.
Numérique, santé et environnement, neurosciences, don d'organes, fin de vie (pour laquelle il déconseille de modifier la loi, mais demande un plan pour les soins palliatifs)*…Le gouvernement (et le grand public) a désormais en main les propositions du CCNE ; il ne lui reste qu'un rapport à recevoir, celui de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques (OPECST), avant de présenter son projet de loi avant la fin de l'année.
*Retrouver toutes les propositions sur le site du « quotidien ».
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