Cellules embryonnaires : fin du délai des 5 ans

Philippe Menasché : « Autoriser en interdisant, cela n’a aucun sens »

Publié le 08/02/2011
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Crédit photo : S TOUBON

Le chirurgien, qui s’apprête à effectuer un essai clinique sur des progéniteurs cardiaques dérivés de CESh, dénonce l’hypocrisie de ce régime dérogatoire. « C’est vrai, il ne va pas empêcher les équipes de travailler : nous en sommes un exemple parmi d’autres. » Mais cette absence de visibilité donne une « image brouillée » de la France et de sa recherche. « C’est une décision contradictoire à l’heure où l’on veut une France qui gagne et qui participe à la compétition internationale », dit-il, en rappelant qu’une des premières décisions politiques prise par le président des États-Unis, Barack Obama, « c’était de libéraliser la recherche sur l’embryon ». « Les États-Unis continueront de faire la course en tête alors qu’ici on se recroqueville sur nos querelles pour savoir si on interdit en dérogeant ou si on déroge en interdisant. C’est totalement dépassé. »

Et le spécialistede s’étonner du choix d’un régime en contradiction avec les recommandations des différentes instances consultées et, en particulier, celles du Conseil d’État et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT), qui s’étaient prononcés pour l’autorisation de cette recherche. « Ce qui me paraît le plus marquant, c’est le décalage entre cette décision et l’état d’esprit de nos concitoyens : j’ai notamment pu juger, lors des états généraux de la bioéthique, que les gens sont parfaitement d’accord pour autoriser cette recherche dès lors qu’on leur en explique les objectifs et la manière dont elle est encadrée. » Cette loi traduit, en France, « la force des lobbys les plus conservateurs, l’église en tête ». Pourquoi donc, s’interroge-t-il, « ne pas avoir le courage de prendre le problème à la source, c’est-à-dire d’interdire la procréation médicalement assistée qui a engendré de facto la création d’embryons congelés ? ». S’il dit comprendre le choix du législateur en 2004, il lui paraît aujourd’hui injustifié. « Grâce au travail de l’Agence de la biomédecine, à qui je rends hommage, aucune dérive n’a été observée. » Le Pr Menasché peine à espérer un sursaut des parlementaires en dernière minute.

S.H.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8902