Le Conseil national de l'Ordre des médecins s'est prononcé en faveur d'une évolution de la loi encadrant le secret médical, le 13 décembre, à une large majorité en session plénière. Il soutient en partie la proposition des députés LREM Guillaume Gouffier-Cha et Bérangère Couillard de modifier l'article 226-14 du Code pénal, qui précise les conditions dans lesquelles peut être révélée une information à caractère secret (1). Mais souhaite y apporter des précisions. Son président le Dr Patrick Bouet est reçu ce mercredi 18 décembre à l'Assemblée nationale.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi est-il nécessaire de faire évoluer la loi ?
Dr PATRICK BOUET : Nous avons répondu à une demande du Premier ministre, qui a souhaité une discussion entre la ministre de la Santé, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, et l'Ordre.
Il nous a paru légitime de nous demander ce que le médecin pouvait faire en son âme et conscience lorsqu'il est confronté à une victime de violences à l'égard de laquelle il a acquis la conviction qu'elle encourt un risque majeur vital à court terme. Il n'existe pas de dispositif spécifique, comme il en existe pour les mineurs victimes de violences, les personnes âgées vulnérables, ou les personnes handicapées (pour lesquels le médecin peut émettre un signalement sans leur accord, N.D.L.R.).
Il nous a donc semblé opportun de dire que le médecin pouvait utiliser la loi telle qu'elle existait pour signaler une situation d'urgence vitale au procureur de la République, y compris sans l'accord de la personne.
Il ne s'agit pas de créer un nouveau dispositif, ni de mettre en place une dérogation élargie au secret médical, mais bien d'utiliser dans un contexte très précis, la dérogation permissive qui existe déjà pour trois catégories de personnes.
Le médecin est alors protégé comme dans tous les autres cas de figure dès lors qu'il émet un signalement de bonne foi.
En quoi cette modification de la loi n'entame pas le secret médical ?
Le dispositif existe déjà ! L'aménagement du Code pénal n'entraîne pas de modification du code de déontologie sur le secret médical. En outre, il n'y pas d'obligation de signaler : c'est une possibilité. Nous sommes convaincus qu'il faut préserver la qualité du secret médical dans la relation médecin patient, et notamment dans ces situations de violences conjugales. Il est essentiel pour assurer une prise en charge.
Quelles sont les conditions dans lesquelles un médecin pourrait signaler sans l'accord de la victime majeure ?
Le médecin doit avoir l'intime conviction d'un danger vital immédiat (et nous souhaitons remplacer par « urgence vitale immédiate » les termes « danger immédiat », proposés par les députés) et d'une emprise mentale, qui rend la victime très vulnérable.
Nous prenons soin de dire qu'il faut rechercher l'accord de la personne ; et aucun signalement ne peut se faire sans en informer la personne.
Par rapport à la proposition des députés d'insérer un alinéa 2 bis à l'article 226-14 du Code pénal, nous demandons la création d'un alinéa 3, spécifique à ces situations de violences, pour que le mécanisme soit clair et lisible.
Enfin, le CNOM demande que cette évolution législative s'accompagne de la désignation dans chaque parquet d'un procureur de la République dédié aux violences conjugales. Il faut que toute la société s'engage dans la lutte contre ces violences.
D'aucuns estiment qu'il faudrait faire évoluer la loi en faveur d'une obligation de signalement pour les violences faites aux enfants. Qu'en pensez-vous ?
Je réponds d'abord à la question qui m'a été posée à l'occasion du Grenelle des violences conjugales. Nous ne vendrons pas par appartement le secret médical.
(1) L'alinéa 2 bis proposé par les députés prévoit qu'échappe à la sanction : « Le médecin ou tout autre professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information préoccupante relative à des violences exercées au sein du couple, lorsqu’il a l’intime conviction que la victime majeure est en danger immédiat et qu’elle se trouve sous l’emprise de leur auteur. Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République. »
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