L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lance ce jeudi 7 novembre une nouvelle procédure de déclaration des effets indésirables, modernisée et simplifiée. Objectif : inciter les praticiens libéraux à s’approprier cet outil, plus en adéquation avec la culture hospitalière. Des freins demeurent : manque de temps, hantise de la paperasse, crainte parfois d’être mis en cause... Pour encourager les signalements, le ministère de la Santé travaille à une forme de protection des médecins (libéraux et hospitaliers) calquée sur les lanceurs d’alerte.
EN 2012, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a recensé 38 296 effets indésirables liés aux médicaments, soit une augmentation de 60 % du nombre de déclarations en cinq ans. Entre août 2012 et août 2013, l’Agence témoigne d’une nouvelle hausse de 36 %. Environ 70 % des informations recueillies proviennent directement des médecins (les 30 % restants des pharmaciens et autres professionnels, patients et industriels). Est-ce à dire qu’en matière de pharmacovigilance, la prise de conscience des praticiens est en marche ?
La culture de la déclaration d’effets indésirables est loin d’être commune à toute la profession. En 2012, 84 % des notifications ont été recueillies par l’hôpital, 3 % par les patients (encadré). Seules 13 % des informations émanent des cabinets libéraux. Prescripteur incontournable, le médecin traitant a pourtant l’obligation légale de déclarer tout effet indésirable auprès de son centre régional de pharmacovigilance (un réseau de 31 structures qui remontent l’information à l’ANSM), au même titre que tous les autres praticiens, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens. Dès lors, comment expliquer ce fossé entre l’hôpital et la ville ?
15 à 20 minutes par déclaration.
Selon l’agence, la méconnaissance et la complexité du système de déclaration demeurent les principaux freins à l’implication des libéraux dans le dispositif de pharmacovigilance. Les centres régionaux, qui dépendent des établissements hospitaliers, manquent de visibilité. Certains couvrent un département (CHRU de Grenoble pour l’Isère et CHU de Saint-Étienne pour la Loire), d’autres plus de cinq (CHU de Toulouse, hôpital Lapeyronie de Montpellier, Hospices civils de Lyon, hôpital Pellegrin de Bordeaux). « Repérer le centre de pharmacovigilance dont ils dépendent : voilà la difficulté numéro un pour les libéraux », estime le Dr Évelyne Falip, directrice de la surveillance de l’ANSM.
Autre obstacle : le manque de temps. Le médecin doit parcourir son Vidal et son dossier patient, aller sur le site Internet de l’ANSM, y trouver puis remplir un formulaire de deux pages, l’imprimer et le renvoyer par fax ou lettre à son centre. Privilégier le courrier électronique demande des manipulations supplémentaires. L’ensemble de la manœuvre prend « 15 à 20 minutes », selon l’agence. Un temps que les libéraux n’ont pas, ou ne veulent donner, faute de retour d’informations. L’ANSM assure faire des efforts pour satisfaire les frustrations. « Il y a une réponse individualisée des centres dans 60 % des cas », affirme le Dr Falip.
Enfin, certains médecins, échaudés par les récents scandales sanitaires, rechignent à déclarer par crainte de se faire taper sur les doigts.
Envoi automatique.
Consciente de ces obstacles, l’ANSM lance aujourd’hui une nouvelle fiche de déclaration, en bonne place sur son site Internet. Plus intuitive, préremplie (l’adresse du centre de référence s’affiche en tapant le numéro de département), la déclaration est transmise automatiquement en un clic de souris. Imprimer ou réinitialiser le formulaire se fait également simplement.
Quatre données sont mises en exergue : noms du médecin traitant, du déclarant (si ce n’est pas le même), du patient et nature de l’effet indésirable. Antécédents du patient et précisions sur l’effet indésirable (lieu, date, nature et durée), ses conséquences (hospitalisation, incapacité ou invalidité permanente, mise en jeu du pronostic vital, etc.) et son évolution (guérison, décès) sont également requises. Les résultats d’examens biologiques, comptes rendus d’hospitalisation ou d’autres documents peuvent compléter l’envoi.
Pour l’instant, seuls les effets indésirables liés aux médicaments bénéficient de cette nouvelle formule. À terme, ce sera le cas pour les dispositifs médicaux et tout autre produit (substances ou plantes psychoactives, sang, cosmétiques, tatouages, etc.). « Le temps pour remplir le nouveau formulaire est identique à celui d’avant, admet le Dr Falip. Maisle médecin gagne du temps en amont ».
Incitation financière.
S’il salue la volonté de l’ANSM de simplifier la méthode de déclaration, le Dr Claude Leicher, président de MG France, doute que ces ajustements suffisent pour convaincre massivement les libéraux. Contrairement à l’hôpital, les médecins de ville, généralistes en tête, n’ont « ni le temps, ni le personnel, ni la culture de la déclaration », estime-t-il. Sont-ils même concernés ? « C’est tout à fait légitime que l’hôpital soit à l’origine de la majorité des notifications d’effets indésirables liés aux médicaments, analyse le Dr Leicher. Si le médecin traitant constate une hémorragie grave à la suite d’une prise d’anticoagulant, que fait-il ? Il envoie le patient à l’hôpital qui… déclare en toute logique l’incident ».
Une incitation financière serait-elle la solution ? Le Dr Leicher n’est pas contre mais rappelle que « 90 % de la rémunération des médecins de ville repose toujours sur le paiement à l’acte ». Difficile dans ses conditions de faire bouger les lignes.
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