«Ce travail a été entrepris à l’origine pour un concours », rapporte le Pr Florian Naudet, psychiatre au CHU de Rennes et rédacteur principal d’un essai visant à optimiser le niveau de preuve pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). « Il s’agit du concours de l’essai pour Health Research Alliance, organisé par un éditeur scientifique, PLOS Medicine, sur le thème "repenser la recherche biomédicale pour un futur amélioré" », précise-t-il.
L’idée de l’article est venue aux signataires après avoir posé certains constats. De façon générale, explique le Pr Naudet, « bien que la Food and Drug Administration (FDA) établisse un ensemble de règles a priori pour les AMM, il arrive trop souvent qu’elle modifie ces règles a posteriori. C’est le cas pour le nalméfène, traitement de l’alcoolisme autorisé par l’Agence européenne des médicaments (EMA) dont l’approbation était fondée sur une analyse de sous-groupe après les résultats des essais pivots, ou celui de l’eteplirsen pour la dystrophie musculaire approuvé par la FDA, malgré un manque de preuves cliniques ».
De plus, selon les signataires, les normes initiales convenues entre le promoteur et l’organisme de réglementation peuvent être trop laxistes. Les essais peuvent explorer la supériorité du médicament testé par rapport à un comparateur trop faible, comme le placebo, alors que la supériorité par rapport à un comparateur actif déjà approuvé serait plus pertinente sur le plan clinique. Les essais peuvent également être sous-puissants, se concentrer sur des marqueurs de substitution (pas ceux prévus), ou omettre des résultats cliniquement pertinents, relèvent les signataires. Enfin, l’organisme de réglementation peut faire preuve de laisser-faire en ce qui concerne la publication, permettant au promoteur de choisir librement les résultats à inclure et la façon de les formuler.
Les rédacteurs de l’article soulignent aussi que certains organismes de réglementation comme l’EMA ne tentent pas de reproduire l’analyse du promoteur de la recherche. Et, bien que la FDA le fasse, ses résultats ne sont pas accessibles aux chercheurs indépendants.
Concept de « Registered Report »
Partant de ces constats, Florian Naudet et al. proposent d’adapter le concept de « Registered Report » au processus d’approbation réglementaire et d’AMM. Ce concept représente un format de publication fondé sur « l’importance de la question de recherche et sur la qualité de la méthodologie en effectuant un examen par les pairs avant la collecte des données », est-il expliqué.
Les autorités sanitaires seraient tenues a priori de poser des questions de recherche bien établies (en termes de patients, d’interventions, de comparateurs, de résultats et de conception de l’étude) et de définir des critères de réussite adéquats, sans possibilité de contourner les règles après la collecte des données.
En pratique, les promoteurs d’un travail de recherche pourraient proposer un programme d’approbation d’un médicament enregistré en fonction de la présentation de preuves précliniques et de phases précoces démontrant l’utilité du médicament.
L’examen par les pairs du programme de recherche proposé impliquerait un comité spécialisé rassemblé par l’autorité sanitaire et comprenant de multiples parties prenantes, indépendantes du promoteur (par exemple, des cliniciens, des chercheurs et des patients).
Un label de qualité éthique
Les parties prenantes seraient impliquées de manière préventive dans le processus, afin de fournir des informations sur la valeur de la question de recherche, ainsi que sur la pertinence clinique de l’intervention proposée. « La FDA dispose déjà de tels comités consultatifs mais leurs réunions sont programmées vers la fin du processus d’approbation, ce qui les expose au risque de torsion et de flexion des règles une fois les résultats obtenus », soulignent les signataires.
Après un résultat positif du processus d’examen par les pairs, les médicaments recevraient une autorisation provisoire pour une utilisation spécifique dans les essais cliniques du programme de recherche enregistré pour l’approbation des médicaments.
Par la suite, une approbation serait accordée pour l’utilisation clinique et l’AMM à condition que le programme de recherche ait respecté la méthodologie enregistrée et que les critères de réussite prédéfinis aient été remplis.
Cette approche nécessiterait cependant l’approbation et l’harmonisation des voies des différentes autorités sanitaires qui suivent actuellement des procédures distinctes. Une incitation des promoteurs des études à utiliser ce nouveau système pourrait être, que par le biais d’une demande unique, ce processus simplifie l’accès des médicaments à tous les marchés. De plus, les médicaments approuvés par cette voie pourraient se voir décerner un label de qualité éthique, ce qui leur conférerait un avantage concurrentiel sur le marché.
F. Naudet et al, PLOS Medicine, août 2021. doi.org/10.1371/journal.pmed.1003726
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